Le décès, samedi, du propriétaire de l'Olympique de Marseille (Ligue 1) Robert Louis-Dreyfus nourrit le débat sur l'avenir à terme de ce club qu'il possédait en nom propre, malgré les premiers messages visant à rassurer les supporteurs sur sa pérennité.
Passionné de sport, Louis-Dreyfus s'était lancé dans l'aventure OM fin 1996 alors qu'il était encore patron d'Adidas, prenant le contrôle du club à 99% via une société anonyme à objet sportif, Eric Soccer (du prénom de l'un de ses trois fils). Le PDG de cette entreprise est depuis début 2008 Vincent Labrune, président du conseil de surveillance du club et porte-parole de "RLD".
Par volonté sans doute de ne pas mélanger passion et raison, cette société appartient en nom propre à Robert Louis-Dreyfus et ne figure pas, à ce jour, au périmètre du puissant empire familial Louis-Dreyfus, qu'il avait réintégré en 2000 et dont il détenait la majorité depuis 2007.
"RLD" a d'ailleurs régulièrement acquis, puis développé, seul ou en partenariat, des sociétés hors de son groupe, comme la marque Le Coq Sportif ou la juteuse entreprise de droits télévisuels Infront, née des ruines du groupe allemand Kirch.
Quel avenir, désormais, pour Eric Soccer ? Dans un communiqué dimanche, les héritiers de l'homme d'affaires (sa femme Margarita et ses trois fils Eric, Maurice et Kirill) ont affirmé qu'ils entendaient "poursuivre l'oeuvre engagée" par l'ancien propriétaire de ce club "auquel il était tant attaché".
Ces déclarations rassurantes sont à usage interne, à l'attention des membres du club, et externe, à destination des supporteurs (même si "RLD" ne jouissait pas auprès d'eux d'une grande popularité) et de la mairie de Marseille. Elles semblent indiquer que, dans un premier temps au moins, l'OM restera dans le giron d'Eric Soccer.
C'est, avant tout, l'assurance du maintien d'un soutien financier. D'abord parce que la société apportait des garanties bancaires au club, ensuite parce qu'elle lui accordait des prêts, le dernier remontant en 2005, qui ont parfois fait l'objet d'abandon de créances. Depuis plusieurs semaines, des consignes avaient d'ailleurs été données à Eric Soccer pour accorder au club des moyens supplémentaires. La campagne de recrutement actuel (18 millions d'euros pour Lucho Gonzalez, 7 millions pour Diawara) en est l'illustration.
Reste cependant à connaître les intentions, à terme, des héritiers de Louis-Dreyfus, ce qui déplace le débat sur un terrain purement patrimonial.
Trois scénarios sont possibles.
Le statu quo, d'abord. De source proche du club, on doute toutefois de la réelle volonté de la famille de s'investir --et d'investir-- dans un club de football, même sur un mode délégataire comme aujourd'hui.
L'intégration dans le groupe Louis-Dreyfus, ensuite. L'hypothèse est à l'étude, indique une autre source proche du club. Elle retiendrait particulièrement l'attention de Jacques Veyrat, le véritable patron du groupe, que "RLD" présentait lui-même comme son successeur, et dont le frère Antoine est l'actuel directeur général du club.
Pour que cette opération se réalise, le groupe, ou ses actionnaires, doit cependant y trouver un véritable intérêt stratégique, là où le chiffre d'affaires de 120 millions d'euros de l'OM n'est rien en regard des milliards affichés par Louis-Dreyfus. Le club devra alors être plus qu'un simple support publicitaire pour les activités du groupe, comme avec la société Direct Energie, actuel sponsor maillot.
Mais d'un strict point de vue financier, les héritiers n'auraient-il pas davantage intérêt à vendre Eric Soccer ?
C'est la troisième solution. La dernière tentative remonte à 2007. Ecoeuré par sa condamnation à dix mois de prison avec sursis dans l'affaire des transferts suspects de 1997 à 1999, "RLD" décidait de vendre le club. Mais l'affaire échoua en raison du caractère sulfureux de l'acquéreur désigné, le Canadien Jack Kachkar.