Les grands patrons français s'inquiètent d'une dégradation de l'environnement des affaires qui accélère le glissement des activités hors du pays, selon une étude de l'Institut de l'entreprise menée auprès de 20 d'entre eux, à paraître dimanche dans les journaux du groupe Ebra.
Au-delà du "glissement inéluctable du centre de gravité des grandes entreprises" françaises vers l'international", jugé "globalement positif", "la tendance s'est fortement accélérée dans les dernières années pour cause d'environnement défavorable", explique l'auteur de l'étude, Frédéric Monlouis-Félicité, qui a interrogé 20 dirigeants d'entreprises françaises, majoritairement du CAC 40.
"Les grandes entreprises constatent ainsi l'écart grandissant entre leur propre croissance, liée à leur activité à l'étranger, et la paupérisation relative du tissu économique français", ajoute-t-il en affirmant que l'un de ses interlocuteurs, qui ont tous parlé sous le sceau de l'anonymat, a même affirmé que "le problème de la France n'est pas son attractivité mais sa répulsivité".
Parmi ces grands patrons, "dont le chiffre d'affaires cumulé représente plus de 585 milliards d'euros et qui emploient 2,1 millions de salariés dans le monde entier" figurent notamment Jean-Paul Agon, PDG de L'Oréal, Henri de Castries d'Axa, Jean-Paul Herteman de Safran (PA:SAF).
Xavier Huillard, PDG de Vinci, Frédéric Oudéa de Société Générale (PA:SOGN) ou encore Georges Plassat de Carrefour (PA:CARR) en font également partie.
"Une croissance économique qui tarde à repartir", le coût du travail, la "rareté des capitaux d'origine française", la "complexité administrative et juridique de l'environnement des affaires", la "fiscalité personnelle" ou encore "la relation entre le monde politique et l'entreprise", font partie des facteurs les plus cités.
"Ainsi les grands groupes se sentent souvent +dénigrés+ par les pouvoirs publics, +chez qui la méconnaissance des grandes entreprises est peut être plus forte encore qu'au sein de l'opinion publique+", selon "un grand industriel" cité par l'étude.
"Le problème, pour certains dirigeants, est plus profond, il concerne +la relation à l'entreprise et à l'économie+ qu'ont les Français", d'après un autre dirigeant de l'industrie.
Le rapport souligne toutefois que "les grandes entreprises, aux dires de leurs dirigeants, ont aussi leur part de responsabilité dans le désamour qu'elles perçoivent à leur endroit" car elles se sont trop centrées sur elles-mêmes ou se sont trop anglicisées.
"Tous les dirigeants rencontrés s'accordent à dire que la France dispose encore d'atouts appréciables par rapport à d'autres pays" et notamment "un certain +art de vivre+ qui permet à la France de continuer à rayonner", souligne toutefois l'étude de l'institut en évoquant également "la qualité" de la recherche et développement.
Citant l'Insee, l'étude rappelle qu'en 2012, "les groupes français multinationaux (hors secteur bancaire) réalisaient 54% de leur chiffre d'affaires consolidé à l'étranger et 56% de leurs effectifs, soit 5,3 millions de salariés, étaient localisés hors de l'Hexagone".
L'institut de l'entreprise est un groupe de réflexion créé en 1975 qui réunit 130 adhérents (grandes entreprises privées et publiques, fédérations professionnelles et organismes consulaires, institutions académiques, associations…).