PARIS (Reuters) - Une centaine de quartiers français présenteraient des similitudes avec le quartier bruxellois de Molenbeek, a déclaré dimanche le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Patrick Kanner, en estimant que le gouvernement oeuvrait contre ce problème.
Plusieurs membres du commando responsable des attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis étaient originaires de ce quartier de l'agglomération de Bruxelles, dans lequel Salah Abdeslam a été arrêté le 18 mars après quatre mois de fuite et parfois considéré comme un vivier d'islamistes radicaux.
"Il y a aujourd'hui, on le sait, une centaine de quartiers en France qui présentent des similitudes potentielles avec ce qui s'est passé à Molenbeek", a dit Patrick Kanner lors du Grand Rendez-Vous Europe 1-Le Monde-iTELE.
Selon lui, Molenbeek, "c'est une concentration énorme de pauvreté et de chômage, c'est un système ultracommunautariste, c'est un système mafieux avec une économie souterraine, c'est un système où les services publics ont quasiment disparu, c'est un système où les élus ont baissé les bras".
"Mais il y a une différence énorme aussi et (...) je n'ai pas de leçons à donner à la Belgique et à ses pouvoirs publics mais il est vrai que nous prenons le taureau par les cornes dans ces quartiers", a relevé le ministre de la Ville.
Le conseiller régional socialiste d'Ile-de-France Julien Dray a de son côté récusé l'expression de "Molenbeek français".
"On croit que par les formules on résout les problèmes. On cède à la facilité de la communication et ça ne livre aucune information réelle", a-t-il déclaré lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro.
Il a pourtant dressé un constat comparable à la situation décrite par le ministre de la Ville, déclarant que la "ghettoïsation urbaine" sociale et ethnique de la société française ces vingt dernières années avait donné naissance à des "ghettos sociaux (confrontés) à une montée de la délinquance, à des noyaux islamistes qui essayent d'utiliser ces problèmes sociaux, de les instrumentaliser."
"JEUNESSE FRAGILISÉE"
Pour Patrick Kanner, cette situation trouverait notamment ses racines dans les émeutes urbaines de 2005, qui ont contribué au développement du salafisme dans certains quartiers, en fragilisant la jeunesse devenue par la suite une cible pour des "prédateurs".
"Nous avons tous une part de responsabilité", a-t-il observé en mettant cependant en cause la baisse des moyens alloués à la police, à l'Education nationale et au monde associatif par la majorité précédente. "Il y a eu un problème de mauvaise gestion de ces quartiers pendant les années notamment du quinquennat de M. Sarkozy", a dit Patrick Kanner.
Au lendemain de déclarations polémiques de Michel Sapin sur la "naïveté" présumée de la classe politique belge face aux islamistes, quelques heures seulement après les attentats de Bruxelles, Manuel Valls avait précisé mercredi que la France n'avait pas à donner de leçons à la Belgique sur le communautarisme.
"Nous aussi, en France, nous avons des quartiers qui sont sous l'emprise à la fois des trafiquants de drogue et des réseaux islamistes et salafistes", avait indiqué le Premier ministre sur Europe 1.
"Il y a l'équivalent de Molenbeek en France, dans certains quartiers", avait estimé le même jour Bruno Le Maire, député Les Républicains de l'Eure et candidat de la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle de 2017.
L'expression de "Molenbeek français" a également été utilisée jeudi par le député LR de l'Yonne Guillaume Larrivé à propos d'Argenteuil, au moment où une opération antiterroriste était en cours dans cette ville du Val-d'Oise.
"Durant ces derniers jours, on a dit tout et n’importe quoi sur Argenteuil" mais cette ville "n’est pas et ne sera jamais Molenbeek", a répliqué le maire LR de la ville, Georges Mothron, dans un billet posté dimanche sur son blog et émaillé de piques à l'encontre de Guillaume Larrivé.
"Il est facile de dénoncer et de faire de petites phrases sur un plateau télé pour faire le buzz, il est plus difficile d’agir au quotidien sur le terrain pour faire avancer les choses dans le bon sens", relève-t-il.
(Myriam Rivet, édité par Guy Kerivel)