PARIS (Reuters) - "Il marche sur l'eau". La formule de ce proche d'Alain Juppé témoigne de la confiance qui règne dans le camp du favori de la primaire de la droite à un an de l'élection présidentielle.
"Si vous voulez faire des économies, vous n'avez qu'à m'élire dès le premier tour, ça ne vous coûtera que deux euros", a lancé l'ancien Premier ministre dimanche à son arrivée à Cayenne, première étape d'une tournée en Outre-mer.
"S'il gagne la primaire, il est quasiment assuré de l'emporter en 2017", tranche un membre de son équipe.
Dans le cercle rapproché de Nicolas Sarkozy, que le maire de Bordeaux ne cesse de distancer dans les sondages (41% contre 23% pour l'ancien président dans un récent sondage Odoxa), on relativise cet état de grâce tenace en convoquant l'exemple d'Edouard Balladur, grandissime favori finalement humilié par l'"outsider" Jacques Chirac en 1995.
"J'ai tellement soutenu M. Balladur, il avait tellement de bons sondages", a récemment ironisé le président des Républicains sur Europe 1.
Le paradoxe de 2016, aux dires de certains de ses soutiens, voudrait que Nicolas Sarkozy, dont la candidature devrait intervenir dans la dernière ligne droite de la primaire des 20 et 27 novembre prochains, piège "à la Chirac" son premier rival.
"A ce stade tout est possible, aussi bien l'option Balladur que l'option Sarkozy (en 2007-NDLR)", souligne le député LR Benoist Apparu, soutien d'Alain Juppé.
"Le risque, ce serait qu'il gère son avance en père trop tranquille", admet un membre de son réseau "AJ pour la France".
Les critiques sur le "ronron" de la campagne du maire de Bordeaux, 70 ans, ne sont jamais loin : François Fillon égratigne son "programme pépère", Bruno Le Maire son profil "Ancien Régime". Et attendent le faux-pas qui ne vient toujours pas.
LE CANDIDAT DES "ANTI"?
"La droite modérée n'est pas molle, la boutique la plus solide, la plus structurée, c'est la nôtre", réplique le même membre de l'équipe Juppé.
Un livre décapant, en vente ce mardi, fait légèrement chanceler l'édifice. Dans "Lapins et merveilles", le pudique qui déteste mettre "ses tripes sur la table" y est décrit comme un "Juppé-Janus", tour à tour orgueilleux, froid, cassant, mais aussi "solaire", "généreux", "le coeur pur".
"Un jour il m'a dit : 'Nicolas (Sarkozy) m'a eu, il me fait la bise. On ne peut pas lui dire non. L'homme politique idéal, ce serait le fils que nous aurions ensemble'", raconte son fils Laurent.
"Il ne faut pas se le cacher, l'anti-sarkozysme et l'anti-hollandisme expliquent pour partie la popularité d'Alain Juppé", concède un élu "juppéiste".
"Quand on analyse le cas Juppé, on s’inquiète. Quand on le compare aux autres, on se rassure. C’est le plus solide du lot", résume Jean-Pierre Raffarin, cité par Paris Match.
En Guyane, Alain Juppé s'est adressé "à tous les électeurs de la droite et du centre" mais "aussi aux déçus du socialisme", et "pourquoi pas à ceux qui se sont laissés aller à voter Front national dans le passé et qui commencent à ouvrir les yeux".
Plus le socle électoral de la primaire sera large - entre trois et quatre millions de participants -, plus Alain Juppé, "candidat central, pas centriste", a des chances de l'emporter.
"Chez les Républicains, Il y a une base militante chauffée à blanc, c'est clairement un défi. On sait combien ils sont : quelque 100.000, ceux qui ont élu Nicolas Sarkozy en 2014 à la présidence de l'UMP", dit-on dans l'entourage d'Alain Juppé.
"La dynamique qui va sortir des primaires va mettre un terme à ses divisions", veut-on croire.
(Sophie Louet avec Ingrid Melander, édité par Yves Clarisse)