PARIS (Reuters) - Si le gouvernement veut introduire dans le projet de loi Travail un amendement sur la surtaxation des contrats à durée déterminée (CDD), il devra en prendre lui-même la responsabilité, a déclaré jeudi le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.
"J'ai dit au Premier ministre mardi 'faites ce que vous voulez, mais personnellement je ne porterai pas d'amendement dont le principe serait de taxer les CDD'", a dit le député socialiste Christophe Sirugue à propos de cette idée qui a provoqué la colère du patronat français.
"S'il s'agit de dire que les partenaires sociaux doivent se soucier de la modulation de la taxation des CDD, pourquoi pas. Mais je ne souhaite pas que le législateur se substitue aux partenaires sociaux", a-t-il précisé lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis).
De fait, les syndicats souhaitent faire de la lutte contre l'abus des alternances de contrats très courts et de périodes de chômage indemnisées un des principaux axes des négociations sur l'assurance chômage, qui ont repris jeudi.
Plusieurs pistes sont sur la table, de la surcotisation dégressive selon la durée du contrat proposée par la CFDT à un système de bonus-malus en passant par l'idée d'un taux de cotisation pivot.
En intervenant dans le débat pour tenter d'apaiser le mécontentement suscité à gauche, dans les syndicats et dans une partie de la jeunesse par le projet de réforme du Code du travail, François Hollande et Manuel Valls ont cependant plutôt compliqué les discussions.
Le chef de l'Etat en mars, puis le Premier ministre le 11 avril, se sont prononcé pour un renchérissement des cotisations pesant sur les contrats de travail courts afin de favoriser les embauches plus stables.
"MALADROIT"
Ces déclarations ont suscité un tollé des organisations patronales, également indisposées par les modifications apportées par le gouvernement et la commission des affaires sociales de l'Assemblée au texte sur le Travail, dont les députés entament l'examen le 3 mai.
Le Medef a brandi la menace de se retirer des négociations sur l'assurance chômage et la CGPME celle de ne pas signer un éventuel accord.
Christophe Sirugue, qui s'efforce de dégager les conditions d'une majorité sur un texte toujours très contesté, y compris dans la rue, a admis que les déclarations de Manuel Valls sur la surtaxation des CDD ne l'avaient "pas arrangé".
Il convient certes de lutter contre la multiplication des contrats de travail très courts, a-t-il souligné. Mais "résumer ça à 'on va taxer les CDD', ça me laisse pantois", a-t-il ajouté. "Je pense que c'était maladroit de l'exprimer comme ça."
Christophe Sirugue a par ailleurs estimé que le projet de loi sur le travail pouvait encore bouger sur plusieurs points, dont le périmètre d'appréciation des difficultés pouvant justifier des licenciements économiques.
Ce périmètre ne peut selon lui en rester aux entreprises situées sur le territoire français si elles appartiennent à des groupes internationaux.
"Laisser la capacité au juge de remonter dans le groupe pour évaluer la réalité de la situation économique et financière d'une entreprise me paraît un enjeu important", a-t-il expliqué.
Il a aussi dit réfléchir au renforcement du contrôle des branches professionnelles sur les accords d'entreprise, dont le développement est au coeur du projet de loi, pour éviter une multiplication des contentieux et les risques de dumping social.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)