La Commission européenne a fait un pas mercredi vers l'ouverture de négociations de libre-échange entre l'UE et le Japon, en demandant aux Etats membres d'examiner un projet de mandat qui pourrait donner naissance à un des plus gros accords de ce type, mais suscite des inquiétudes.
"La Commission européenne a décidé de demander aux Etats membres de donner leur feu vert pour entamer des négociations de libre-échange avec un important partenaire politique et économique, le Japon", a déclaré le commissaire européen en charge du Commerce, Karel De Gucht, lors d'une conférence de presse à Bruxelles. Le Japon est la troisième puissance économique mondiale.
S'il voit le jour, cet accord de libre-échange "pourrait faire gagner un point de pourcentage à la croissance de l'Union européenne et augmenter d'un tiers les exportations européennes vers le Japon", a estimé M. De Gucht. Au final, cela pourrait se traduire selon lui par 400.000 emplois supplémentaires.
"Soyons clairs: nous avons besoin de ces emplois et nous avons besoin de cette croissance dans le climat économique actuel", a-t-il plaidé, alors que l'économie européenne est en panne.
Mais cette perspective ne fait pas l'unanimité. Des industriels européens, notamment dans l'automobile, craignent les retombées d'un tel accord sur leur activité. Et de nombreuses voix s'inquiètent en Europe des barrières commerciales et des restrictions d'accès aux marchés publics imposées par Tokyo aux entreprises étrangères.
Au sein du collège des commissaires européens, plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs émis des réserves mercredi sur la décision de la Commission, selon une source au fait des discussions. Parmi eux, les commissaires français Michel Barnier (Services financiers), Italien Antonio Tajani (Industrie) et Allemand Gunther Oettinger (Energie).
"Je sais qu'il y a des inquiétudes (...) mais je me suis engagé à faire un point sur les avancées concernant l'abolition des barrières tarifaires un an après le début des négociations. Si la situation n'est pas satisfaisante, je mettrai fin aux négociations", a promis M. De Gucht.
En juin, le Parlement européen avait lui aussi fait part de ses préoccupations. Dans une résolution non contraignante, il avait demandé aux Etats d'attendre les propositions du Parlement avant d'entamer toute négociation.
Se voulant rassurant, M. De Gucht a affirmé mercredi que l'accord de libre-échange d'une ampleur sans précédent signé en octobre 2010 avec la Corée du Sud avait favorisé les exportations dans le secteur automobile.
"Il y a de nombreux problèmes à régler dans le secteur automobile en Europe mais nous devons les isoler de ces accords de libre-échange. Il ne faut pas chercher de bouc-émissaire", a-t-il insisté.
L'UE et le Japon s'étaient entendus en mai 2011 sur l'objectif de parvenir à un accord de libre-échange "approfondi et complet", couvrant non seulement les droits de douane mais aussi les obstacles non douaniers au commerce, les services, l'investissement, les droits de propriété intellectuelle, les conditions de concurrence et les marchés publics.
Les Etats membres doivent désormais donner leur feu vert pour lancer les négociations, ce qui pourrait être fait lors du prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement européens en octobre.
Plus généralement, l'UE cherche à accélérer la signature d'accords de libre-échange, notamment avec les pays émergents, afin de stimuler son économie. Selon M. De Gucht, si tous les accords actuellement en négociations aboutissaient, cela rapporterait 250 milliards d'euros ou équivaudrait à deux points de pourcentage en plus pour la croissance européenne.