Canal+ s'est vu infliger lundi par l'Autorité de la concurrence une dizaine d'injonctions pour régler le problème de sa position dominante dans la TV payante après la fusion CanalSatellite/TPS, mais le groupe l'entend d'une autre oreille et portera l'affaire devant le Conseil d'Etat.
Cinq ans après le mariage en 2006 des deux bouquets satellitaires rivaux, le gendarme de la concurrence avait relevé en septembre 2011 que les engagements pris à l'époque par Canal+ n'avaient été que partiellement respectés.
Canal+ avait alors proposé une nouvelle série d'engagements jugés insuffisants, justifiant aujourd'hui que l'Autorité procède par injonctions.
Elles obligent le groupe à céder sa participation dans le bouquet Orange Cinéma Séries (OCS), à changer sa politique d'achat de droits cinématographiques et avoir des règles claires pour la distribution des chaînes indépendantes.
La participation dans OCS de 33,3%, acquise fin 2011, "restreint la concurrence car elle faisait d'Orange un allié de Canal+", a estimé lundi Bruno Lasserre, le président de l'Autorité de la concurrence, ajoutant: "Nous voulons qu'Orange reprenne son autonomie".
Pour l'Autorité, "trois objectifs guident la cohérence" de ces injonctions: "Favoriser la diversité des acteurs de la télévision payante", "préserver l'avenir concurrentiel" du secteur de la vidéo à la demande (ou à l'abonnement) et "ne pas remettre en cause le système de financement du cinéma".
Bruno Lasserre a expliqué que ces injonctions sont plus "précises", "efficaces" et "vérifiables" que les engagements pris précédemment par Canal+.
"Au lieu de prononcer des injonctions, on aurait pu trouver un accord, mais en échange de mesures faibles et inefficaces", a jugé M. Lasserre.
Feu vert à l'entrée de Canal+ dans la TNT gratuite
Très précisément détaillées sur 11 pages, disponibles sur le site du gendarme, ces nouvelles contraintes ont provoqué une contestation immédiate de Canal+, qui a dit son "désaccord avec l'analyse menée par l'Autorité comme avec les injonctions auxquelles elle soumet le groupe". Ce dernier a annoncé qu'il allait "sans attendre en demander la suspension et l'annulation devant le Conseil d'Etat".
Cela "montre que les mesures sont nécessaires", a réagi M. Lasserre après l'annonce de la contre-attaque de Canal+.
Pour assurer le suivi de ces décisions, un rapporteur indépendant sera nommé dans les deux mois et produira un rapport trimestriel. En cas de non respect des injonctions ou des engagements, Canal+ pourrait se voir imposer des pénalités allant jusqu'à 5% du chiffre d'affaires du groupe.
Dans un autre dossier, le rachat des chaînes de la TNT gratuite Direct 8 et Direct Star à Bolloré par Vivendi et Groupe Canal+, le gendarme de la concurrence a autorisé l'opération initiée à l'automne 2011.
L'Autorité a obtenu de Canal+ un ensemble d'engagements portant notamment sur "une limitation des acquisitions de droits des films américains, des séries américaines et des films français" et sur les conditions de cession des droits d'événements sportifs "d'importance majeure".
Sur ce dossier en revanche, Canal+ n'a pas caché sa satisfaction. Il doit cependant encore attendre l'autorisation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui doit intervenir dans la première quinzaine de septembre.