L'Espagne, dans une situation financière jugée critique, a provoqué mardi un cafouillage avec la France et l'Italie, en publiant une "prétendue" déclaration commune avec Rome et Paris sur les accords européens visant à protéger la zone euro, aussitôt démentie par les deux autres capitales.
Madrid multiplie les déclarations ces derniers jours, désespérée de ne pouvoir rassurer sur sa solvabilité alors qu'elle doit faire face à des taux d'emprunt insoutenables sur les marchés qui estiment que le plan d'aide européens aux banques de 100 milliards d'euros au maximum ne suffira pas.
Le ministre de l'Economie, Luis de Guindos, enchaîne les réunions et doit d'ailleurs se rendre mercredi à Paris pour rencontrer son homologue français Pierre Moscovici, après avoir vu mardi le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble.
Car les mauvaises nouvelles s'accumulent: la Banque centrale européenne a opposé un "niet" à la demande d'achat de dette espagnole. Et les régions, dont Valence et la Catalogne, commencent à annoncer timidement ce qui ressemble, même si elles s'en défendent, un appel à l'aide financière pour boucler 2012.
C'est dans ce contexte ultra-tendu que le ministère espagnol des Affaires étrangères a publié mardi un communiqué sibyllin: "l'Espagne, l'Italie et la France exigent l'application immédiate des accords du dernier sommet européen" de fin juin.
L'Espagne ne précise pas ce qu'elle veut mais elle regrette "un décalage préoccupant entre la décision qu'a prise le Conseil européen et l'application de ces accords".
Le communiqué cite nommément le ministre français des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, et son homologue italien, Moavero Milanesi, qui ont demandé avec Madrid "l'application immédiate des accords" de ce sommet.
De quoi déclencher la colère de Rome et Paris qui ont aussitôt démenti en des termes peu diplomatiques.
Le gouvernement italien exprime par communiqué "sa stupeur à propos de l'initiative annoncée par le ministère espagnol des Affaires étrangères concernant une prétendue déclaration conjointe entre l'Espagne, l'Italie et la France, initiative dont le gouvernement n'est pas informé".
"C'est hallucinant", a également rétorqué également M. Cazeneuve. "Il n'y a pas eu de démarche commune avec l'Italie et l'Espagne. Je n'ai pas demandé d'application immédiate des accords. Bref, "cela n'a aucun sens d'affirmer cela", ajoute-t-il.
A l'issue du sommet européen des 28 et 29 juin, Rome et Madrid ont notamment obtenu que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et son remplaçant, le Mécanisme européen de stabilité (MES), puissent recapitaliser directement les banques en difficulté sans alourdir la dette du pays déjà inquiétante.
Mais il reste encore des inconnues, en particulier quant au lancement du MES, pare-feu permanent de la zone euro, et à son fonctionnement, alors que l'Allemagne refuse une mutualisation de la dette.
Le MES a pris du retard et ne sera pas sur pied avant fin septembre au mieux, car la Cour constitutionnelle allemande doit se prononcer le 12 septembre sur cet instrument doté d'une capacité de prêt de 500 milliards d'euros.
En attendant, la zone euro doit faire avec le fonds de secours existant, le FESF, qui dispose d'environ 200 milliards d'euros.
Une somme jugée insuffisante par les experts pour financer un sauvetage de pays comme l'Italie ou l'Espagne, lestées par des dettes colossales estimées respectivement à 700 milliards et 500 milliards d'euros.
"S'il faut intervenir massivement en août, il y a un problème", admettait récemment un diplomate européen.
En début de soirée, le ministère espagnol des Affaires étrangères, interrogé, n'avait pas fourni d'explication. Mais le communiqué avait disparu des sites du ministère et du gouvernement espagnols.