L'ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel a été condamné mercredi à cinq ans de prison dont trois ferme, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, par la cour d'appel de Paris qui l'a jugé responsable d'une perte record en 2008.
La cour a confirmé dans son intégralité le jugement rendu en 2010 par le tribunal correctionnel et, comme lui, n'a trouvé aucune excuse au condamné.
Pour "dissimuler sa fraude", a-t-elle jugé, Jérôme Kerviel a "fait preuve d'une ingéniosité confinant au machiavélisme pour manipuler l'ensemble de ses interlocuteurs".
La cour n'a toutefois pas délivré de mandat de dépôt à l'audience et Jérôme Kerviel, visage fermé, costume sombre, a quitté libre le palais de justice. Il est sorti avec ses avocats par une porte latérale, restant muet face aux nombreux journalistes, mais sans chercher à se dissimuler.
Paraissant accablé, il est monté à l'arrière d'une Mercedes noire, rapidement prise en chasse par des photographes.
"Nous allons rentrer travailler pour évoquer avec lui la possibilité de se pourvoir en cassation", a déclaré son avocat David Koubbi, dénonçant une "injustice absolument lamentable". Il a mardi minuit pour déposer ce pourvoi, qui sera suspensif concernant la peine de prison.
Lors du procès en appel en juin, l'accusation avait requis la peine maximale, soit cinq ans ferme, et suggéré à la cour de confirmer la condamnation à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, montant de la perte dont Jérôme Kerviel a été jugé responsable.
"En dépit des nombreux éléments nouveaux (...), rien n'a pu infléchir la décision de première instance", a déploré Me Koubbi.
Totalement fantaisiste
L'avocat avait demandé la relaxe de son client, affirmant que la banque "savait" ce que faisait son trader et que toute l'affaire était une "escroquerie intellectuelle".
Jérôme Kerviel était accusé d'avoir pris à l'insu de sa hiérarchie des positions spéculatives de dizaines de milliards d'euros sur des marchés à risque et d'avoir déjoué les contrôles avec des opérations fictives, de fausses écritures et des mensonges.
Des cadres de la Société Générale avaient été licenciés et les carences de ses systèmes de contrôle avaient valu à la banque une amende de 4 millions d'euros de la commission bancaire.
Mais Jérôme Kerviel a été le seul poursuivi en justice dans cette affaire, qui a ébranlé le monde de la finance et failli couler la banque.
Il a été reconnu coupable des trois chefs retenus contre lui: abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans le système informatique de la banque.
L'ex-trader avait admis avoir perdu le sens des réalités, se décrivant comme un hamster dans sa roue, mais avait répété que ses supérieurs "savaient" qu'il outrepassait son mandat.
En appel, il s'était même dit victime d'une machination, par laquelle la banque aurait couvert ses positions afin de lui faire porter la responsabilité de pertes subies dans la crise des "subprime".
Le 24 janvier 2008, quand la Société Générale avait révélé la "fraude" de 4,9 milliards d'euros imputée à M. Kerviel, elle avait aussi annoncé pour 2 milliards de pertes dues aux crédits hypothécaires américains. Mais l'enquête n'avait détecté aucun complot.
La cour a même jugé cette théorie "totalement fantaisiste".
Sur les dommages et intérêts, elle a également écarté tous les arguments de la défense: M. Kerviel "sera condamné à payer à la Société Générale la somme de 4.915.610.154 euros en réparation de son préjudice direct".
La banque avait de nouveau réclamé au procès ses milliards perdus, même s'il est évident que M. Kerviel, issu d'une famille modeste et sans emploi, ne remboursera jamais une telle somme. Son avocat a immédiatement dit que la Société Générale se montrerait "réaliste" et étudierait la situation de son ancien salarié.