Le procès public intenté aux Etats-Unis contre le groupe Vivendi Universal (VU) et son ex-PDG Jean-Marie Messier touche à sa fin et les plaidoiries se sont poursuivies toute la semaine, les deux camps jouant leur va-tout avant les délibérations du jury.
Y a-t-il eu fraude ou pas ? La société et ses dirigeants ont-ils délibérément menti pour cacher la réalité aux actionnaires entre octobre 2000 et août 2002 ?
VU, engagé dans des acquisitions ambitieuses et très risquées qui allaient en faire le premier groupe de médias au monde, affichait des chiffres florissants alors qu'il était au bord de la cessation de paiements, et Jean-Marie Messier avait été brusquement acculé à la démission en août 2002.
Neuf jurés vont devoir répondre par oui ou par non à 57 questions pointilleuses, au centre de cette action collective intentée par les actionnaires --dont 60% de Français-- qui accusent VU de les avoir ruinés avec une communication financière trompeuse entre 2000 et 2002. En cas de culpabilité, le groupe serait condamné à verser des milliards de dollars d'indemnités aux actionnaires.
Ce procès fleuve, rare dans les annales judiciaires américaines, s'est ouvert début octobre à New York devant un tribunal fédéral. Jean-Marie Messier, son ancien directeur financier Guillaume Hannezo --également sur le banc des accusés--, l'actuel président du conseil de surveillance du groupe Jean-Marie Fourtou, et d'autres responsables liés à l'affaire, sont venus témoigner à New York.
Toute la semaine, les avocats américains des deux parties se sont succédés à la barre, en présence dans la salle de MM. Messier et Hannezo, d'avocats venus de Paris, de cadres américains de l'actuelle société Vivendi et d'un représentant des actionnaires français, Gérard Morel.
Pendant trois jours, les avocats de Vivendi se sont attachés à plaider l'absence de fraude. Me James Quinn et Me Michael Malone, avocats américains de VU et de M. Messier, ont longuement argué du principe que la prise de risque, inhérente au monde des affaires, ne peut être assimilée à une faute. Et que si des erreurs ont été commises, elles ont été reconnues par les intéressés et tout s'est effectué dans la transparence.
C'est un point de vue radicalement opposé qu'a soutenu le principal avocat des actionnaires, Me Arthur Abbey. Très didactique à l'égard des jurés, peu rompus aux questions financières et indemnisés à hauteur de moins de 50 dollars par jour pour ce marathon judiciaire, il s'est attaché à leur expliquer comment procéder, question par question, et a demandé deux jours pour terminer sa plaidoirie, souvent comparable à un cours magistral.
"George Clooney aussi avait choisi de rester dans sa barque pour pêcher et gagner plus d'argent, en dépit de l'avis de tempête", a-t-il lancé à l'adresse des jurés visiblement épuisés, évoquant le film "En pleine tempête" (The perfect storm).
"Et vous pouvez voir dans le communiqué concernant l'acquisition de Seagram (...), et dans le courriel que je vais vous montrer, que le mensonge est patent dès la fin de l'an 2000", a-t-il poursuivi.
Enfin, évoquant les réunions au sommet qui ont précédé l'éviction de Jean-Marie Messier en août 2002, Arthur Abbey a conclu: "Croyez-vous que des personnalités du monde des affaires se réunissent en août à Paris juste pour le plaisir ? en France, mesdames et messieurs, ces gens-là ne travaillent pas en août: ils sont dans leurs villas dans le sud".
Le verdict devrait être connu en milieu de semaine prochaine, et les parties ont d'ores et déjà annoncé qu'elles interjetteraient appel s'il ne leur était pas favorable.