La nouvelle Commission européenne de José Manuel Barroso risque de sortir affaiblie des examens de passage de ses membres devant les eurodéputés, qui ont tourné cette semaine à l'affrontement politique et exposé les faiblesses de plusieurs candidats.
Entamées lundi, les auditions des 26 candidats en vue d'obtenir le feu vert du Parlement européen se sont révélées laborieuses pour plusieurs d'entre eux.
Déjà en 2004, le Parlement avait affirmé ses pouvoirs en révoquant l'Italien Rocco Buttiglione pour des propos homophobes. "Il a encore évolué d'un cran aujourd'hui en politisant le processus", observe un haut fonctionnaire européen.
De fait, un pacte de non-agression tacite conclu entre les forces politiques du Parlement pour ménager les douze commissaires désignés conservateurs, les huit libéraux et les six socialistes, a volé en éclats au fil des examens de passage.
"Quelques-uns -- comme l'Espagnol Joaquin Almunia (concurrence) ou le Français Michel Barnier (marché intérieur) -- ont fait d'excellentes présentations", reconnaît l'Autrichien Hannes Swoboda, vice-président du groupe socialiste, "mais d'autres ont échoué".
La Bulgare Roumiania Jeleva (aide humanitaire), accusée d'omissions dans ses déclarations d'intérêts financiers, est particulièrement en danger. Beaucoup à gauche réclament sa tête.
L'actuelle ministre bulgare des Affaires étrangères est aussi jugée incompétente, à la lueur de réponses comme sa proposition de négocier avec des "talibans modérés".
Sommé de réagir, M. Barroso a pris vendredi sa défense, rappelant qu'elle lui avait confirmé n'avoir rien omis dans sa déclaration, et estimant qu'elle avait la "compétence générale nécessaire" pour le poste.
Les eurodéputés ont reporté leur décision sur Mme Jeleva à lundi soir.
En retour, la droite, qui a dénoncé une "chasse aux sorcières", a promis de s'en prendre lundi au candidat de gauche slovaque, Maros Sefcovic. Elle lui reproche d'avoir dit que les Roms "exploitent l'Etat providence slovaque".
D'autres candidats posent problème: socialistes et conservateurs se sont dits déçus par le libéral finlandais Olli Rehn (économie et affaires monétaires) pour son manque de vision. Il pourrait devoir se soumettre une nouvelles fois aux questions des élus.
Le même sort pourrait être réservé au Lituanien Algirdas Semeta (fiscalité et lutte antifraude). Sa prestation a été jugée insuffisante par les socialistes et les libéraux.
Les députés ont aussi reporté à la semaine prochaine leur décision sur la libérale néerlandaise Neelie Kroes, pourtant un poids lourd de l'actuelle Commission où elle gérait la Concurrence, après une audition poussive sur les nouvelles technologies.
Quant à Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l'UE, elle n'a reçu lundi qu'un soutien sans enthousiasme après avoir fourni des réponses vagues sur les grands sujets du moment.
Les députés ont relevé chez cette travailliste britannique des "lacunes", comme lorsqu'elle a avoué ne "rien savoir" du débat sur un siège pour l'UE au conseil de sécurité de l'ONU.
"Les critères pour approuver la Commission sont clairs: compétence, probité et aptitudes en matière de communication. Les Etats européens étaient censés proposer des candidats capables de remplir ces critères. Et M. Barroso doit se demander s'il dispose réellement de la bonne équipe", relève le libéral britannique Andrew Duff.
Pour Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman, "les Etats et la Commission n'ont pas encore tiré toutes les conséquences de la pratique des auditions: en particulier, de nommer de grands responsables politiques" à Bruxelles.