L'Assemblée a adopté mardi en première lecture à une courte majorité de 266 voix contre 245 la partie recettes du budget de l'État pour 2015, marquée par une abstention toujours plus forte de socialistes "frondeurs".
Le prochain scrutin qui, de l'aveu même de responsables socialistes, pourrait être encore plus serré, sera dans une semaine celui sur le projet de budget de la Sécurité sociale. Débattu depuis mardi soir dans l'hémicycle, il est contesté jusque dans la majorité pour la probable mise sous conditions de ressources des allocations familiales.
Si la plupart des socialistes et radicaux de gauche ont voté mardi pour le budget de l’État, 39 socialistes se sont abstenus, dont les anciens ministres Aurélie Filippetti, Benoît Hamon et Delphine Batho ainsi que 14 écologistes, deux radicaux de gauche et un élu d'Outre-mer. La droite et le Front de gauche ont voté contre.
C'est un des plus hauts niveaux atteints par les frondeurs depuis le début de leur mouvement de contestation de la politique économique du gouvernement il y a six mois. Il y avait eu 31 abstentions socialistes lors du vote mi-septembre de la confiance au deuxième gouvernement Valls et 33 sur le budget rectificatif de la Sécu en juillet. Mais 41 socialistes s'étaient abstenus en avril, sur le programme de stabilité budgétaire.
"C'est glissant", a admis un responsable socialiste. "Il a été voté, c'est bien", a sobrement commenté François Hollande. "C'est un vote comme toujours tendu" sur les budgets mais "il n'y a pas de doute sur le fait que le gouvernement a une majorité pour gouverner", a-t-on indiqué dans l'entourage du Premier ministre Manuel Valls.
Au nom des frondeurs, confortés par le retour de Martine Aubry et ses critiques de la politique du gouvernement, Christian Paul a lancé "un appel pressant au président de la République" pour "trouver les moyens d'un nouveau contrat de majorité plus proches des engagements de 2012 et aussi plus proches de l'efficacité économique".
- Droite et Front de gauche hostiles -
A la moitié du quinquennat de François Hollande et alors que la France connaît une croissance atone, ce projet de loi de finances se trouvait sous la double pression d'une partie de la majorité, critique sur les 21 milliards d'euros d'économies (dont 3,7 milliards de baisse de dotations aux collectivités locales partiellement compensée par une aide aux investissements) et de la Commission européenne, sévère sur un nouveau dérapage du déficit public.
Le président du groupe socialiste Bruno Le Roux a dit ne pas comprendre "que des députés socialistes puissent ne pas voter un budget qui rend un peu plus de trois milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français".
Référence à la mesure fiscale phare de ce budget, la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu qui devrait bénéficier à 6,1 millions de ménages modestes et moyens pour un coût de 3,2 milliards d'euros.
Les radicaux de gauche, confortés par de récents engagements de Manuel Valls sur des chantiers leur tenant à cœur, ont accepté d'avoir un "vote positif sans être laudatif". Les écologistes ont regretté "que le gouvernement persiste dans une politique qui n'a pas porté ses fruits".
La droite et le Front de gauche se sont opposés au texte pour des raisons radicalement différentes. L'UMP et l'UDI reprochent au gouvernement de ne pas faire de réformes structurelles et de laisser filer les déficits alors que le Front de Gauche critique la poursuite d'une logique d'austérité.
Construit sur l'hypothèse d'une croissance à 1% en 2015, jugée "fausse" par la droite, le texte prévoit un déficit public en légère baisse à 4,3% du PIB, repoussant de deux ans à 2017 le retour au plafond autorisé de 3%.
Les députés ont d'ailleurs voté en même temps la loi de programmation des finances publiques 2014-2019. Là aussi la majorité fut étroite avec 263 voix contre 245, trois députés chevènementistes s'ajoutant aux abstentions côté socialiste.
Après ce vote important, la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a lancé les débats sur le projet de budget de la Sécu pour 2015, en annonçant un "lissage" de la modulation des allocations familiales "afin d'éviter les effets de seuil" entre des familles aux revenus très proches qui auraient été traitées différemment.
L'opposition s'est aussitôt posée en défenseur des familles et de la Sécurité sociale, dont "un des piliers, l'universalité des prestations", est "mis à bas", selon Bernard Accoyer (UMP).
Autre geste en direction de la majorité, la ministre a indiqué qu'elle proposerait "la suppression de toutes les franchises et participations forfaitaires pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé".