par Johanna Decorse
TOULOUSE (Reuters) - Entre 2.200 et 4.000 partisans du projet de barrage de Sivens, dans le Tarn, ont défilé samedi dans les rues d'Albi pour demander le retour de "l'ordre républicain" sur le site occupé par des opposants à l'ouvrage, endeuillés par la mort d'un jeune écologiste.
Les travaux de la retenue d'eau ont été suspendus pour une durée indéterminée le 31 octobre dernier par le conseil général du Tarn, porteur du projet, après la mort du jeune militant écologiste Rémi Fraisse, tué par une grenade lancée par les gendarmes.
Cet événement a suscité un fort émoi dans tout le pays, des associations, des syndicats et des proches de Rémi Fraisse accusant les autorités d'avoir caché pendant 48 heures la vérité sur les circonstances de son décès.
Depuis, deux rassemblements organisés en sa mémoire à Toulouse ont dégénéré en affrontements violents avec les forces de l'ordre. Sur le site du chantier, les opposants au projet ont renforcé l'occupation de la "zone à défendre" du Testet en installant de nouveaux campements, malgré l'intervention de la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal qui a appelé à l'évacuation du terrain.
Dans le cortège, qui défilait à l'appel du collectif Tarn Ruralité, Laurent Viatgé, éleveur de canards, explique que "pour les agriculteurs qui ont de petites exploitations, cette retenue est une question de survie".
Pascale Puibasset, secrétaire générale de l'association "Vie eau Tescou", qui regroupe plusieurs agriculteurs, pêcheurs et habitants de la vallée, fustige "le climat menaçant et violent qui règne depuis plus d'un an sur la zone" du chantier.
"Nous sommes en démocratie, il y a des modes et des temps pour s'exprimer. User de la violence pour faire valoir ses points de vue, ce n'est pas un procédé démocratique", dit-elle.
"MAJORITÉ SILENCIEUSE"
Le député PS du Tarn, Jacques Valax, qui a menacé de démissionner de son mandat de conseiller général si le barrage n'était pas construit, s'est dit "satisfait" samedi de la mobilisation, révélatrice selon lui de "la détermination de cette majorité silencieuse qui s'exprime pour la première fois".
Pour lui, ce projet, voté à la majorité des conseillers généraux, "est indispensable pour l'équilibre économique et écologique de la vallée".
A l'issue d'une réunion le 4 novembre avec toutes les parties prenantes du dossier, Ségolène Royal a annoncé qu'une solution alternative au projet de barrage serait trouvée avant la fin de l'année.
En quête d'un compromis, elle a évoqué deux possibilités : "le recalibrage du barrage actuel" destiné à retenir 1,5 million de mètres cubes d'eau, ou "des retenues de substitution plus en aval dans la vallée".
Après la publication d'un rapport d'experts qui a qualifié de "médiocre" le projet de barrage et prôné moins d'eau pour l'irrigation des terres agricole et davantage pour la régulation de la rivière, le conseil général s'en est remis à l'État pour "mettre en oeuvre leurs préconisations".
C'est dans ce cadre que deux experts ont animé jeudi après-midi à Albi la première réunion d'un "groupe de travail" composé de partisans et d'opposants au barrage. Leur objectif est "d'arriver à un panel de solutions" sachant que "la décision finale reviendra de toute façon au maître d'ouvrage", c'est-à-dire au conseil général du Tarn.
Les écologistes réclament toujours l'abandon pur et simple du barrage et jugent insuffisantes les mesures pour compenser la perte de 13 hectares de biodiversité.
De leur côté, les élus du conseil général du Tarn qui ont voté pour cet ouvrage de 8,4 millions d'euros le jugent "indispensable" pour l'irrigation des terres agricoles et le soutien d'étiage du Tescou.
(édité par Chine Labbé)