Le groupe informatique américain Apple est mis en cause pour ses pratiques lors de la vente d'abonnements à des journaux à destination de sa tablette iPad, avec une première enquête antitrust annoncée lundi en Belgique.
Le ministre belge de l'Economie, Vincent Van Quickenborne, "demande aux instances belges de la concurrence d'examiner si Apple se rend coupable d'abus de position dominante", ont annoncé ses services dans un communiqué.
Cette décision intervient "après (la publication) d'informations sur la vente exclusive des abonnements à des journaux ou magazines via iTunes", la boutique en ligne où le groupe commercialise contenus et applications pour l'iPad, le lecteur de musique iPod ou le téléphone multifonctions iPhone.
La communication récente d'Apple "laisse entendre que désormais, les abonnements iPad pourront uniquement être vendus via iTunes", comme c'était déjà le cas pour les numéros isolés de journaux ou de magazines, selon le ministère.
Si les éditeurs "ne peuvent plus vendre les abonnements iPad via leurs propres canaux, mais exclusivement par le biais d'iTunes, cela s'apparente à un abus de position dominante", insiste-t-il.
Si ces soupçons se confirment, une enquête formelle sera lancée en Belgique "et l'affaire pourra, le cas échéant, être transférée à la Commission européenne", gardienne de la concurrence dans toute l'Europe, prévient le ministère.
La Commission s'est contentée dans l'immédiat de "prendre note" de la demande du ministre belge. Mais elle "suit avec attention l'évolution de ce marché et d'autres marchés en ligne", a indiqué une de ses porte-parole.
La grande source d'inquiétude, c'est qu'Apple prélève 30% des revenus tirés de la vente de journaux sur iTunes.
Si cela doit s'appliquer systématiquement aux abonnements, cela "pourrait avoir un impact considérable sur la rentabilité du secteur", souligne le ministère belge, rappelant qu'actuellement l'abonnement iPad est souvent offert en bonus lors de la vente d'un abonnement papier, pour servir de produit d'appel.
"La Belgique est le premier pays qui fait la démarche d'une investigation", a indiqué un porte-parole du ministère, "mais nous ne pensons pas que nous serons les derniers".
Quand Apple avait lancé sa tablette l'an dernier, beaucoup d'éditeurs y avaient vu un nouveau débouché bienvenu pour la presse écrite en crise. Mais cet espoir se teinte aujourd'hui de méfiance.
Aux Pays-Bas, certains éditeurs de journaux commencent aussi à grincer des dents et des parlementaires ont appelé à ouvrir une enquête.
En France, Xavier Romatet, PDG de Condé Nast France qui édite notamment le magazine Vogue, évoquait récemment "un problème de redistribution des revenus entre éditeurs et distributeurs, qui prélèvent des taux incompatibles avec la rentabilité de notre modèle économique", tandis que Patrick Hurel, responsable du pôle digital de la régie publicitaire du groupe Le Figaro, reconnaissait qu'il était "frustrant" de voir partir 30% des revenus chez Apple.
L'automne dernier, plusieurs éditeurs américains avaient également insisté sur l'importance de garder le contrôle sur leurs abonnements. "N'abandonnez pas le contrôle de vos clients", avait notamment prévenu Todd Larsen, président du groupe Dow Jones qui édite notamment le Wall Street Journal.