L'assureur américain AIG a refusé mardi d'abaisser le prix de vente de sa filiale asiatique AIA à son concurrent britannique Prudential, portant un coup vraisemblablement fatal à ce qui s'annonçait comme le plus grand rachat de l'histoire de l'assurance.
AIG a adressé une fin de non-recevoir à l'assureur britannique, qui, sous la pression de ses actionnaires, lui avait demandé de réduire à 30,375 milliards de dollars le prix de vente d'AIA, soit un rabais de 14% par rapport aux 35,5 milliards de dollars convenus initialement (près de 29 milliards d'euros au cours actuel).
AIG a annoncé qu'il allait "s'en tenir aux conditions initiales de l'accord précédemment annoncé avec Prudential" et n'envisagerait "pas de modifier ces conditions".
L'Etat fédéral américain détient 80% d'AIG depuis son sauvetage par des fonds publics à l'automne 2008. Le Trésor a nommé deux représentants au conseil d'administration du groupe en avril, mais affirme ne pas s'occuper de la marche des affaires de l'entreprise.
Les décisions concernant AIA "ont été prises par le Conseil d'administration" et non par le Trésor, a indiqué un responsable du ministère. Le Trésor prévoit de perdre jusqu'à 48 milliards de dollars sur les 70 milliards qu'il a injectés dans AIG.
Prudential s'est contenté mardi de prendre note du refus d'AIG d'accéder à sa demande, et a indiqué qu'il allait examiner la situation.
Le directeur général du groupe américain Robert Benmosche a écrit dans une lettre que son groupe disposait de "plusieurs options" concernant AIA et a réaffirmé l'engagement de l'entreprise a rembourser intégralement l'Etat.
Annoncé il y a trois mois, le rachat d'AIA ferait de Prudential le numéro un de l'assurance-vie en Asie, lui donnant les clés d'une région dotée d'un potentiel de croissance énorme.
Négociée par le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam, directeur général de la vénérable "Pru", cette acquisition a suscité cependant des doutes et des inquiétudes parmi les investisseurs dès son annonce.
Sous la pression grandissante de ses actionnaires, Prudential a été contraint en fin de semaine dernière d'entamer des discussions avec AIG, pour tenter de revoir à la baisse le prix de la transaction.
Face au refus du vendeur, Prudential a désormais le choix entre tirer un trait sur toute l'opération, ou bien tenter tout de même, avec peu de chances de réussir, de convaincre ses actionnaires d'accepter le rachat au prix initial, lors d'une assemblée générale extraordinaire prévue pour le 7 juin.
Le rachat devra en effet recueillir au moins 75% des voix pour être approuvé. Or plusieurs grands actionnaires ont fait part ouvertement ou officieusement de leur opposition à cette méga-acquisition.
Robin Geffen, patron du fonds d'investissement Neptune, qui a monté une fronde contre le projet de rachat, dit avoir déjà rallié à sa cause 20% des actionnaires.
A la Bourse de Londres, les investisseurs se sont montrés soulagés par l'échec probable du rachat, sans même attendre la décision de Prudential. Le cours de l'assureur a grimpé de 6,28% à 575,5 pence, signant la plus forte hausse dans un marché en recul de 0,49%.
La position de M. Thiam serait rendue difficile s'il devait renoncer à cette méga-acquisition.
"En rejetant la demande de Prudential de réduire le prix d'AIA, il semble bien qu'AIG ait décidé, accidentellement ou pas, de ne pas se lancer à la rescousse de la carrière de Tidjane Thiam", dont les jours semblent désormais comptés, a observé Howard Wheeldon, du cabinet BGC Partners.
L'abandon du rachat d'AIA pourrait aussi ouvrir la voix à un démantèlement de l'assureur britannique ou à un recentrage sur ses seules activités britanniques, stratégie défendue par certains investisseurs, car elle pourrait leur permettre d'empocher d'importantes plus-values.