A quelques jours d'un sommet européen crucial pour l'avenir de l'euro, l'agence de notation financière Moody's a fait pression sur les gouvernements de la zone euro en abaissant lundi un peu plus la notation souveraine de la Grèce, dont le gouvernement a vivement réagi.
Moody's Investors Service, une des trois grandes agences de notation dans le monde, a annoncé qu'elle abaissait de trois crans la note souveraine de la Grèce, à B1 contre Ba1 auparavant, et prévenu qu'elle pourrait encore l'abaisser, en raison de difficultés économiques persistantes dans le pays et du risque de restructuration de la dette après 2013.
Cette note fait entrer la Grèce, déjà en catégorie "spéculative", dans la catégorie des pays dits à risque et ne présentant qu'une "faible sécurité de remboursement sur le long terme".
L'agence a indiqué qu'elle doutait de la solidarité à long terme des pays de la zone euro vis-à-vis de la Grèce, au vu des dernières déclarations de certains dirigeants européens, Angela Merkel au premier chef, indiquant qu'un soutien supplémentaire au-delà de 2013 serait "conditionné" à une évaluation de sa "solvabilité".
Moody's s'est contentée de prendre note des progrès faits par la Grèce pour son assainissement financier, ainsi que des discussions en cours dans la zone euro pour mettre au point un mécanisme de soutien à long terme.
L'agence a surtout insisté sur tout ce qui restait à faire pour que le pays puisse de nouveau emprunter seul sur les marchés financiers, et qui lui paraît difficile à réaliser dans les conditions actuelles.
Côté budgétaire, malgré les 6 points de réduction du déficit public réalisés en un seule année, en 2010, Moody's a regretté que la Grèce ne parvienne pas à augmenter ses rentrées fiscales.
Vis-à-vis de la zone euro, elle a estimé que même si les partenaires se mettent d'accord pour assouplir les termes du prêt de 110 milliards accordé en mai à la Grèce, le résultat n'aboutira qu'à "une réduction du rythme et de la magnitude de la détérioration" de la situation du pays.
Moody's laisse néanmoins entrevoir la possibilité d'un relèvement de la note "si des revenus importants de privatisation" ou des "progrès importants dans la lutte contre l'évasion fiscale" étaient enregistrés, ou encore si la troïka UE-BCE-FMI "étend son soutien à long terme" à la Grèce "sans imposer de pertes aux détenteurs d'obligations".
"La Grèce fait des efforts considérables qui sont extrêmement pénalisants pour les citoyens, personne ne le conteste. Mais, à moyen terme, ces efforts seront-ils suffisants pour qu’elle puisse refinancer sa dette?" s'est interrogé Michel Madelain, le Français qui dirige depuis novembre 2010, Moody’s Investors service dans une interview à Libération lundi. Il reconnaît au passage que "la notation financière "a un aspect prédictif forcément aléatoire".
A Bruxelles, la Commission européenne n'a pas souhaité réagir à l'annonce de Moody's. Elle a souligné qu'elle avait sa "propre évaluation" de la situation, celle "dont il faut tenir compte", selon une porte-parole.
Le gouvernement grec a lui vivement réagi lundi, jour férié en Grèce, en jugeant la dégradation "complètement injustifiée" et en contre-attaquant sur la pertinence même du travail des agences de notation financière jugées "irresponsables".
Il a attaqué le timing de l'annonce, à quatre jours d'une réunion européenne qui doit débattre de ces sujets. Et estimé qu'elle "renforce les arguments en faveur d'une régulation plus forte des agences de notation elles-mêmes".
A court terme, la décision de Moody's ne devrait pas affecter le financement de l'Etat grec, qui doit émettre mardi pour 1,25 milliard d'euros d'obligations à six mois, émission dont la durée est couverte par l'actuel système de soutien.