Le sommet européen sur l'euro jeudi et vendredi s'annonce compliqué en raison de conditions posées par la Grande-Bretagne pour accepter un changement de traité et de divergences sur la nécessité de renforcer ou non le pare-feu financier face à la crise de la dette.
Les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne se retrouveront jeudi à partir de 19H30 (18H30 GMT) à Bruxelles pour un dîner, avant de poursuivre le lendemain.
Certains d'entre eux se seront vus au préalable dans la journée de jeudi à Marseille (sud de la France) à l'occasion d'une réunion des partis conservateurs européens (PPE).
Et en amont du sommet proprement dit, une réunion en petit comité se tiendra avec les principaux responsables européens, et notamment la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Nicolas Sarkozy et le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, a indiqué mercredi une source européenne.
Le rôle de la BCE dans les efforts pour circonscrire la contagion d'une crise de la dette qui menace l'existence même de la monnaie unique est au centre des débats.
Sous la pression de l'Allemagne, les pays de la zone euro vont s'engager dans un exercice de changement de traité, entre eux ou impliquant les 27 pays de l'UE, avec l'ambition de renforcer nettement leur discipline commune pour créer une "union budgétaire". Mais ils en attendent implicitement une contrepartie rapide.
"Tous les signaux indiquent que si un nouveau pacte budgétaire est scellé dans la zone euro, la BCE serait disposée à intervenir de manière plus vigoureuse" pour aider les pays fragiles, souligne un responsable européen sous couvert de l'anonymat. En rachetant massivement leur dette publique sur les marchés pour faire retomber les taux d'intérêt.
Mais le préalable de la discipline renforcée est un impératif. Or, la tension est montée d'un cran mercredi à la veille du sommet.
"Je suis plus pessimiste que la semaine dernière sur la possibilité d'obtenir un accord total" à Bruxelles, a dramatisé une source gouvernementale à Berlin, alors que l'Allemagne campe publiquement sur une position intransigeante.
Dans le détail, l'objectif est d'imposer dans le marbre des traités à tous les pays des "règles d'or" sur l'équilibre budgétaire, avec le contrôle de la Cour européenne de justice, de rendre les sanctions financières quasi-automatiques contre les Etats laxistes et de pouvoir placer sous tutelle européenne les pays de la zone euro bénéficiant d'une aide financière extérieure.
Mais un autre sujet, le renforcement du pare-feu anti-crise de la zone euro, prend de l'importance face à l'aggravation de la tempête, illustrée par la menace de Standard and Poor's d'abaisser la note de 15 pays de l'Union monétaire et celle de son Fonds de secours financier (FESF).
Conscients de cette urgence, les pays de la zone euro mènent d'intenses discussions pour renforcer leurs instruments, mais il n'y a pas de "consensus", selon un diplomate de haut rang.
Plusieurs options sont sur la table, toutes tournées vers le mécanisme de stabilité européen (MES) appelé à succéder au FESF, sans doute dès mi-2012.
L'une d'elles reviendrait à faire cohabiter ou à fusionner les ressources des deux mécanismes dès l'entrée en vigueur du MES.
La capacité de prêts de 500 milliards d'euros du MES viendrait s'ajouter aux 250 milliards d'euros actuellement encore disponibles au sein du FESF, dont la force de frappe doit encore être augmentée.
"On réunit les ressources restantes du FESF aux 500 milliards du MES et on lui donne le statut de banque pour qu'il puisse accéder aux liquidités de la Banque centrale européenne", développe un diplomate européen.
L'Allemagne est plus que réticente. Mais selon le diplomate, elle pourrait accepter une telle évolution si elle obtient en échange les changements qu'elle exige pour durcir la discipline budgétaire.
Un autre enjeu majeur du sommet est de savoir si l'Union européenne préservera ou non son unité à l'occasion du changement prévu de traité, même si les modifications ne concerneront que les pays de la zone euro.
Les présidents de l'UE et de la Commission plaident avec vigueur en faveur d'une solution à 27, tout changement de traité nécessitant une approbation unanime. Ils redoutent à défaut que l'Europe ressorte du sommet en donnant à nouveau une image de division.
Problème : la Grande-Bretagne semble vouloir monnayer son feu vert contre des contreparties dans des domaines qui l'intéressent.
Sous la pression de l'aile dure eurosceptique de son parti conservateur, le Premier ministre David Cameron a menacé mercredi de "ne pas signer" de nouveau traité s'il n'obtient pas des concessions dans "le domaine des services financiers dans lequel notre pays a un énorme intérêt".
Concrètement il demande "plus de pouvoir et de contrôle, ici au Royaume-Uni, sur ces choses-là", c'est-à-dire potentiellement un rapatriement de compétences de Bruxelles à Londres, alors que tous les efforts de l'UE après la crise financière ont porté sur la création d'instances de surveillances supranationales du secteur.
Il s'agit d'un chiffon rouge pour les principaux partenaires européens du Royaume-uni. En cas de bras de fer, Paris et Berlin ont déjà averti qu'ils renonceraient à un changement de traité à 27 et se replieraient sur un plan "B": un accord purement intergouvernemental des seuls dix-sept pays de la zone euro, ouverts à d'autres.