Cinq ans de prison ferme, peine maximum, "exemplaire et dissuasive", ont été requis mercredi en appel contre l'ancien trader Jérôme Kerviel, à qui la Société Générale réclame par ailleurs 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts pour la perte subie début 2008.
En première instance, en 2010, il avait été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme, ainsi qu'à ces dommages et intérêts astronomiques, à hauteur de la perte dont il avait été jugé seul responsable. Cinq ans, dont quatre ferme, avaient alors été requis par le procureur.
Dans un réquisitoire de trois heures, l'avocat général Dominique Gaillardot a estimé que la responsabilité pénale de l'ancien trader ne saurait être atténuée par les "défaillances" avérées de la Société Générale, particulièrement en matière de contrôles. Pas plus que par l'environnement du monde de la finance et de ses traders.
"Ni le système, ni aucune banque, n'ont besoin d'un trader comme Monsieur Kerviel", a estimé M. Gaillardot, le qualifiant de "pervers et manipulateur".
Assis au premier rang, costume sombre et chemise blanche, Jérôme Kerviel écoutait sans ciller, prenait des notes.
"La justice ne saurait tolérer que certains abusent des faiblesses des systèmes pour mieux les tromper", a dit l'avocat général, appelant la cour à prononcer "une décision exemplaire et dissuasive".
Sur l'aspect des dommages et intérêts, il a rappelé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer. Mais en l'état actuel du droit, la cour ne peut qu'indemniser la banque du montant total du préjudice s'il est avéré, a-t-il dit, tout en constatant que la jurisprudence pouvait évoluer.
Confiance trahie
Il est reproché à l'ancien trader d'avoir pris à l'insu de sa hiérarchie pour des dizaines de milliards d'euros de positions spéculatives sur des indices boursiers, dissimulées par des opérations fictives, de faux courriels et des déclarations mensongères.
S'il n'a jamais nié avoir perdu le sens des réalités, le prévenu affirme en revanche que ses supérieurs savaient ce qu'il faisait et l'encourageaient même à prendre des risques. Ce que tous ont nié catégoriquement.
Lors de son procès en appel, il est allé plus loin, en se disant victime d'une machination : la Société Générale l'aurait utilisé comme fusible pour masquer ses pertes dues aux "subprimes", les crédits hypothécaires américains à l'origine d'une crise financière mondiale en 2008.
L'accusation a pourfendu cette thèse, "ce joker brandi en dernier secours", et énuméré les "constantes" dans la manière de procéder de Jérôme Kerviel.
Il "dissimulait" le risque "dans toutes les circonstances", "adaptait" ses réponses en fonction des interrogations des services de contrôle, allait "jusqu'à faire des faux courriels" pour dissimuler ses gigantesques prises de positions...
A de nombreuses reprises, "il a manqué à son obligation de loyauté et de transparence", a accusé l'avocat général. "La confiance que mettaient la banque et la chaîne hiérarchique dans son trader a été trahie", a-t-il dit.
Selon lui, les trois infractions pour lesquelles est poursuivi Jérôme Kerviel - "abus de confiance", "faux et usage de faux", "introduction frauduleuse" de données dans le système informatique de la banque - sont amplement constituées.
A la clôture des débats jeudi soir, Jérôme Kerviel avait affirmé sa "confiance dans la justice" et espéré la fin du "calvaire", en affirmant que l'argent n'était pas un "moteur" pour lui.
Entamé le 4 juin, son procès en appel s'achèvera jeudi avec la plaidoirie de la défense, conduite par Me David Koubbi. La cour mettra ensuite sa décision en délibéré.