Comment aider les compagnies de transport maritime à économiser jusqu'à 20% de carburant ? Une start-up toulousaine a eu l'idée de s'inspirer du kite surf et a imaginé une immense aile qui, reliée à la proue des navires, doit participer à leur traction.
Ce sont des anciens d'Airbus (PA:AIR) qui développent, au sein d'une entreprise baptisée AirSeas, le concept: une voile de 1.000 m2 qui, volant au bout d'un câble de 400 m, permettrait aux navires de réduire de 20% leur consommation de fuel, et autant en rejets en gaz polluants, selon l'entreprise.
L'idée a déjà fait l'objet de recherches il y a une dizaine d'années de la part d'une entreprise allemande, mais elles ne se sont pas concrétisées. Et le navigateur Yves Parlier a parié aussi sur ce type de projet.
L'enjeu est crucial pour les armateurs, qui assurent 90% du fret mondial: les 28.000 navires de plus de 100 mètres qui parcourent les mers consomment chacun entre 5 et 10 millions d'euros par an de carburant, soit environ 50% de leurs coûts opérationnels, souligne AirSeas.
Et ils font face au risque d'un "retour à terme d'un prix du carburant plus élevé", explique Paul Tourret, le directeur de l'Institut supérieur d'Economie maritime, à Nantes. "L'armateur sait qu'il est difficile de survivre avec des niveaux de soute élevés", souligne-t-il.
Par ailleurs, les normes environnementales sont de plus en plus strictes et "exigent des carburants de meilleure qualité", poursuit ce spécialiste du transport maritime selon lequel les navires consomment du fuel lourd avec notamment des taux de dyoxine de soufre et de dioxyne d'azote élevés.
Reste que si "les armateurs sont dans une course à l'économie", la "recherche de toutes les alternatives" passe par leur efficacité, analyse M. Tourret.
C'est sur cette efficacité que mise AirSeas qui s'appuie sur la technologie développée par Airbus, en particulier dans les automatismes, pour développer sa voile, SeaWing.
-'un défi: l'automatisation'-
"L'automatisation, c'est l'enjeu principal", confirme Vincent Bernatets, le président de la start-up, dont le projet est soutenu par l'Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Avec la SeaWing, "il suffit que le capitaine du navire appuie sur un bouton" pour que l'aile, pliée sur le pont d'un navire, soit hissée sur un mât, escamotable, puis lâchée au bout de son câble pour se déployer.
Et inversement, "pour qu'elle se replie de façon totalement autonome", explique cet ancien de la direction stratégique d'Airbus.
Outre l'aile, Airseas développe un logiciel d'aide à la décision, qui "prévient le capitaine de l'opportunité de sortir le kite ou de le rentrer", souligne M. Bernatets. De la même manière, il va déterminer le positionnement le plus efficace de la voile.
Enfin, c'est aussi le logiciel qui va "calculer la route optimale du navire en tenant compte du vent" et des conditions océaniques, dont les courants, la route "la plus économe n'étant pas forcément la plus courte", précise-t-il.
Un prototype est actuellement en cours de tests sur un des cargos d'Airbus, entre le Golfe de Gascogne et l'Angleterre. Prototype aux dimensions modestes: la voile ne fait que 16 m2.
"Mais maîtriser une voile de 16 m2 garantit qu'on saura la maîtriser si elle fait 1.000 m2", affirme Vincent Bernatets selon lequel SeaWing pourrait équiper des navires -- porte-conteneurs, vraquiers, tankers -- jusqu'à 300 mètres de long.
L'entreprise, qui s'est entourée de spécialistes comme l'architecte naval LMG Marin, l’École nationale supérieure maritime et le leader mondial des logiciels d'aide à la navigation maritime, Maxsea, projette d'équiper un navire d'Airbus fin 2019, avant de s'attaquer un an plus tard au marché des armateurs. Deux d'entre eux, dont le nom est tenu secret, sont partenaires du projet.
L'objectif d'AirSeas est d'"équiper 10% de la flotte des 28.000 navires d'ici 2030", pointe M. Bernatets. A terme, ce sont au total 2.000 emplois qui pourraient être créés d'ici 2030, assure-t-il.