Après avoir subi de plein fouet les foudres anti-corruption de Pékin, les casinos de Macao semblent avoir réussi leur pari: la clientèle de masse compense en partie la désertion des gros portefeuilles et les revenus repartent à la hausse.
Le territoire semi-autonome est le seul endroit de Chine où le jeu est autorisé et les riches Chinois aiment y dépenser des fortunes.
Mais le président Xi Jinping a lancé en 2014 une vaste campagne anti-corruption qui a dissuadé nombre de VIP d'aller flamber à Macao, ex-colonie portugaise à la réputation douteuse de centre de blanchiment pour argent chinois illégal.
L’essoufflement de l'économie du continent a aggravé la crise.
Pour rebattre les cartes, les casinotiers ont misé sur la clientèle de masse, ouvrant de gigantesques complexes qui proposent toute une gamme d'activités, entre dîners gastronomiques et parcs à thème, afin de compenser la perte des revenus de l'élite.
La situation a commencé à se retourner en août, lorsque les revenus du jeu ont augmenté de 1,1% pour la première fois en 26 mois. La tendance s'est confirmée et Macao reste la capitale mondiale des casinos, loin devant Las Vegas en termes de chiffre d'affaires. En février, les revenus ont grimpé de 17,8% sur un an, à 22,3 millions de patacas (2,7 milliards d'euros).
- Noyau de résistance -
"Je crois que la récession est bel et bien derrière nous. Il a fallu deux ans pour affronter la tempête mais on en est sorti", juge Andrew Scott, PDG de Inside Asian Gaming, magazine spécialisé de Macao.
A ses yeux, les revenus du jeu renouent avec une "croissance normale" après le bond spectaculaire des années pré-2014. Ils ne sont toujours qu'à un tiers des niveaux du boom.
Un gros noyau de VIP représente toujours 50% des revenus. Mais la clientèle de masse se presse désormais autour des tables réservées aux communs des joueurs par les nouveaux casinos qui ont poussé sur le Cotai Strip, ancien marécage devenu le centre névralgique des jeux d'argent en Asie. Les familles sont de plus en plus nombreuses à aller à Macao.
Mais les clients non VIP -- souvent des patrons de petites entreprises ou des salariés à hauts revenus -- ne sont pas si petits joueurs que ça: les mises à 1.000 patacas (115 euros) sont considérées comme ridicules.
"Ici, ce qui est perçu comme beaucoup ou très peu diffère complètement du reste du monde", poursuit M. Scott.
Si les casinos sont repassés dans le vert, bon nombre des intermédiaires qui prêtaient traditionnellement aux VIP pour les aider à contourner les limites imposées par Pékin aux sorties de liquidités, ont mis la clé sous la porte.
- Vulnérabilité -
Ils ne sont plus que 130 sur 230, victimes de la campagne anticorruption et du non remboursement de leurs prêts, dit Tony Tong, vice-président de l'Association d'information sur le jeu de Macao.
Ils se sont diversifiés, offrant des services comme la gestion de portefeuilles d'actions. "Cela leur permet de mieux gérer les risques liés aux créances", dit M. Tong, selon qui les gros poissons laissent toujours régulièrement sur le tapis vert un million d'euros par soirée.
Le courtier CLSA prédit une hausse de 3% du segment VIP en 2017. Mais c'est le marché de masse qui va porter le renouveau, avec une augmentation prévue de 14%.
Deux nouveaux complexes hôteliers auront ouvert d'ici 2018: le MGM Cotail, avec un spa, un théâtre et 1.500 chambres et le Grand Lisboa Palace.
Egalement en projet, l’extravagant hôtel The 13, avec ses villas et ses bains romains, ses majordomes et ses ascenseurs privés.
Un pont en construction reliant Macao à Hong Kong et la ville chinoise de Zhuhai pourrait aussi donner un coup de fouet aux casinos après son ouverture fin 2017.
CLSA prévient toutefois que Macao est vulnérable aux changements venus de Pékin. La Chine a récemment divisé par deux la quantité d'argent que ses ressortissants peuvent retirer des distributeurs de l'enclave.
Certains s'inquiètent pour le renouvellement des licences accordées par le gouvernement pro-Pékin de Macao aux "six grands" casinotiers de Macao, qui expirent entre 2020 et 2022.
S'il est trop tôt pour dire que Macao est stable, "c'est bien plus stable qu'avant", estime M. Scott. "Nous avons touché le fond et nous avons rebondi".