La remontée des taux d'intérêt à long terme vient menacer l'embryon de la reprise que les Etats-Unis espèrent voir arriver avant la fin de l'année, et compliquer la tâche de la banque centrale américaine dont tout l'effort vise à les abaisser.
La hausse actuelle des taux des obligations d'Etat américaines, dans la mesure où d'autres taux d'intérêt leur sont corrélés, risque de gripper la consommation, l'investissement et l'activité.
"Parler d'une reprise durable est fantaisiste quand les consommateurs sont fauchés et le crédit extrêmement restreint", considérait lundi Ian Shepherdson, de High Frequency Economics.
Depuis décembre, le taux d'intérêt au jour le jour aux Etats-Unis est quasiment à zéro. Voulant aller plus loin, la Réserve fédérale (Fed) s'est lancée au mois de mars dans un grand programme de rachat d'obligations du Trésor destiné à faire baisser les taux à long terme, pour aider le crédit et donc la croissance.
Richard Fisher, président de la Fed de Dallas (Sud des Etats-Unis), a reconnu lundi sur la chaîne de télévision Bloomberg que "le programme [avait] eu son effet" mais qu'il se révélait actuellement incapable de contenir "le flux énorme" provoqué par la demande de financement exceptionnelle de l'Etat américain pour financer son plan de relance budgétaire.
En deux mois, sur fonds d'émissions massives de l'Etat, le taux d'intérêt du bon du Trésor à 30 ans a enregistré une remontée spectaculaire de plus d'un point (il était de 4,56% lundi) et celui à 10 ans de près d'un point (à 3,71%).
La hausse des taux sur les obligations d'Etat se répercute sur les taux d'intérêts immobiliers qui le prennent souvent pour référence du coût de l'argent.
Selon l'enquête hebdomadaire de l'organisme de refinancement hypothécaire Freddie Mac, le taux moyen pour un emprunt immobilier à taux fixe à trente ans s'est établi à 5,59%, lors de la semaine achevée le 11 juin. C'est son plus haut niveau depuis la fin du mois de novembre, date à laquelle la Fed a décidé d'acheter sur les marchés des titres adossés à des prêts immobiliers et à la consommation.
L'objectif affiché par le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner en janvier de voir le taux d'intérêt de l'emprunt immobilier à trente ans ramené à 4,5% s'éloigne.
La hausse des taux immobiliers est "un peu inquiétante", a concédé M. Fisher lundi, alors que la reprise du marché de l'immobilier, par lequel la crise est arrivé, est perçue comme une condition indispensable pour une reprise durable.
Alimenté par la hausse des taux, le débat fait rage au sein de la Fed sur l'opportunité d'intensifier le programme de rachats de titres du Trésor.
Les membres du Comité de politique monétaire de la banque centrale, qui doivent se réunir les 23 et 24 juin, sont profondément divisés sur la question, entre ceux qui jugent primordial de continuer de porter l'économie à bout de bras et ceux pour qui la Fed doit commencer à réduire son soutien sous peine de voir l'inflation s'envoler et tuer la reprise dans l'oeuf.
Rappelant lundi dans le New York Times les enseignements de la crise de 1930, le prix Nobel d'économie Paul Krugman a exhorté ceux-ci à ne pas se préoccuper trop tôt de l'inflation. Pour lui, ce "n'est pas le moment d'arrêter la relance".
Membre du Conseil des gouverneurs de la Fed, Elizabeth Duke, partage cet avis: elle a mis en garde lundi soir contre un "retrait prématuré" des "politiques de soutien au secteur financier" qui risquerait selon elle de se traduire par une "activité économique bien plus faible".