par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Ce sont les dernières images et les ultimes messages pour François Hollande, qui laissera sa place dans quelques jours au vainqueur du duel Emmanuel Macron-Marine Le Pen, dont l'entrée à l'Elysée est programmée une semaine après le second tour.
Le chef de l'Etat votera dimanche à Tulle, en Corrèze, avant une petite tournée dans son ancien fief électoral. En visite dans l'Orne puis dans le Sud-Ouest cette fin de semaine, le président pourrait se déplacer encore avant le 15 mai.
"Le monde se demande (ce) que va faire la France", a-t-il dit vendredi dans le Tarn-et-Garonne, alors que tous les sondages donnent Emmanuel Macron gagnant.
L'agenda sera plein jusqu'au bout pour le président, à la rencontre de Français dont 28% seulement lui font confiance, selon le dernier baromètre Harris Interactive du quinquennat.
Dimanche, François Hollande a convié gouvernement et membres de son cabinet à suivre la soirée électorale à l'Elysée.
Le lendemain, le sortant et l'élu devraient célébrer côte-à-côte les cérémonies du 8-Mai avenue des Champs-Elysées, comme le veut la tradition républicaine.
Le dernier conseil des ministres réunissant le gouvernement de Bernard Cazeneuve au grand complet est prévu mercredi, jour du souvenir de l'abolition de l'esclavage, objet d'une cérémonie présidentielle dans les jardins du Luxembourg, à Paris.
L'intendance envisage avec sérénité la passation de pouvoirs, qui pourrait avoir lieu en fin de semaine. "Pour nous, ce n'est pas compliqué. Des cérémonies, on en organise trois ou quatre par jour !", sourit un habitant du palais.
A son arrivée le 15 mai 2012, un jour de pluie, François Hollande avait été surpris par la puissance du cérémonial.
"La première personne qu'un président rencontre après son prédécesseur, c'est le chef du protocole", a-t-il conté un jour lors d'une remise de décoration. "C'est un paradoxe : on pense arriver en disant : 'Voilà ce que je vais faire' et vous tombez sur une personne qui vous dit : "'Voilà ce que vous allez faire. Vous allez marcher droit. Vous allez aller là."
"JE NE FERAI PAS VISITER LES CUISINES"
Son successeur sous les ors du palais est donc prévenu.
Si Emmanuel Macron devient le huitième président de la Ve République, "François Hollande fera en sorte que l'on sente qu'il y a de l'affection", anticipe un membre de son entourage.
Dans ce cas de figure, on devrait donc être loin de la froideur de la passation avec Nicolas Sarkozy, que l'élu socialiste n'avait même pas raccompagné à sa voiture, même si Emmanuel Macron a trahi François Hollande, qui l'avait couvé, en se présentant à l'élection présidentielle.
S'il a donné des indices sur ses premiers gestes - coup de téléphone à la chancelière allemande Angela Merkel, visite aux soldats en opération extérieure -, Emmanuel Macron a d'ores et déjà prédit une rupture avec l'ère du "président normal".
L'ancien conseiller de François Hollande, qui occupait un bureau sous les toits du palais, veut être un chef d'Etat "jupitérien" - qui dirige sans s'occuper de tout, éloigné du temps médiatique.
"Moi, je ne ferai pas des journalistes mes confesseurs, je ne ferai pas visiter les cuisines, ni les coulisses", a déclaré Emmanuel Macron cette semaine dans un entretien au groupe Ebra.
Une pique à Hollande, qui a ouvert les portes du palais présidentiel à nombre de Français mais aussi aux caméras. Et une allusion claire au livre de confidences à deux reporters du Monde "Un président ne devrait pas dire ça..." qui a entaché la fin de son quinquennat, au point d'avoir joué un rôle dans sa décision de renoncer à briguer un second mandat.
Dans une France que la crise morale et économique a mise à fleur de peau, un ami de François Hollande alerte le prochain locataire de l'Elysée contre le gros temps à venir.
"ZÉRO JOUR D'ÉTAT DE GRÂCE"
"L'Elysée, c'est un autre monde. Un battement d'aile de papillon et c'est la tornade, immédiatement. Les choses insignifiantes deviennent énormes : il pleut, ta cravate est de travers, tu prends la foudre, tout est signe du destin ! A partir de 20h01 dimanche, à chaque seconde, il sera regardé de façon différente", prévient-il.
Une ministre met elle aussi en garde le futur président.
"Il aura zéro jour d'état de grâce", dit-elle. "François Hollande avait eu au moins jusqu'à l'été, après avoir obtenu une majorité à l'Assemblée."
L'heure de la retraite a-t-elle sonné pour François Hollande, 62 ans, récemment photographié aux côtés de sa compagne, l'actrice Julie Gayet, et qui vient de trouver des bureaux rue de Rivoli ? Personne n'y croit.
"Je ne prendrai pas ma retraite de citoyen", glisse d'ailleurs le président, qui rechigne à parler d'avenir.
Peu sont ceux qui le voient raccrocher ni, surtout, abandonner sa passion dévorante pour la politique.
"Il prendra des vacances, un peu de champ. Mais le jeu entre nous c'est en quoi se comptera le temps qu'il va mettre avant de craquer : en heures, en jours ou en semaines", plaisante un ami. "C'est sûr qu'il n'attendra pas l'été pour se manifester, comme Nicolas Sarkozy, qui avait fait un communiqué sur la Syrie".
Certains le voient bien, par exemple, arpenter les chemins vicinaux de Corrèze aux côtés du fidèle Bernard Combes, candidat à sa succession comme député de la région de Tulle.
Un élu, ami de longue date, assure que le président "s'intéressera encore à la vie publique, sinon il mourrait. Il écoutera la radio, les commentaires des éditorialistes. Il va peut-être redevenir journaliste !"
Une ministre juge que François Hollande vit mal son crépuscule élyséen. "Il ne va pas bien, il occupe le terrain, ça n'a pas de sens. On a la sensation qu'il s'en va avec l'idée de revenir, un peu comme Sarkozy. Il essaiera peut-être d'avoir un poste à l'international avec le soutien de Macron..."
Pour sa part, elle a déjà ôté les effets personnels de son grand bureau qu'elle laissera bientôt à son successeur. "Je peux partir en cinq minutes", assure-t-elle. "Et je n'ai rien pris : j'en connais qui sont partis avec les couverts !"
(Edité par Yves Clarisse)