Troisième opérateur pétrolier en Mer du Nord, le groupe français Total essaie d'y limiter le déclin de sa production d'or noir, en allant puiser du pétrole par des conditions de température et de pression sans cesse plus extrêmes.
En voie d'épuisement, les champs d'hydrocarbures de la Mer du Nord voient leur débit s'éroder à un rythme inconnu dans le monde. Leur production recule de 11,5% par an en moyenne contre 5,1% dans le monde, selon les calculs de l'Agence internationale de l'Energie (AIE).
Sur le plateau continental britannique, la production de gaz et de pétrole est ainsi passée de 4,5 millions de barils par jour (mbj) en 1999 à 2,5 mbj estimé en 2009, selon l'Offshore Operators’ Association.
Toutes les compagnies présentes dans la région (BP, Shell, Exxon...) sont lancées dans une course aux gisements.
"Plus on produit et plus on mange notre gâteau. Il nous faut renouveler nos réserves", explique Roland Festor, directeur général de la division Exploration et Production de Total au Royaume-Uni (Total E&P UK).
Présent au Royaume-Uni depuis 1955, le groupe y a produit 213.000 barils en 2008, à partir de deux centres de production principaux: les plates-formes d'Alwyn-Dunbar et d'Elgin-Franklin.
Situés à 240 km au large de la ville écossaise d'Aberdeen, les champs d'Elgin/Franklin ont nécessité jusqu'à 15 ans de recherche avant de pouvoir produire leur premier baril.
"Il a fallu beaucoup de temps pour résoudre les défis technologiques", explique Thierry Bourgeois, directeur opérationel de Total E&P UK.
Un des principaux défis a été de trouver le moyen d'extraire ces hydrocarbures enfouis à 5 km sous le lit de la mer du Nord, reposant sous une pression équivalant à 1.100 fois la pression atmosphérique et par une chaleur de 190 degrés.
Total a ensuite dû installer une immense plate-forme, pesant près de 5 fois le poids de la Tour Eiffel, qui fait office de mini-raffinerie: le gaz et le pétrole y sont séparés et traités avant d'être acheminés par oléoducs vers les îles britanniques.
"On construit de véritables cathédrales en Mer du Nord", s'entousiasme M. Festor qui assure que "le Royaume-Uni, c'est le top de la technologie car on travaille dans des conditions de pression et de température qui n'ont pas d'égal dans le monde".
Qui dit conditions extrêmes dit aussi coûts astronomiques.
Ainsi pour forer son dernier puits, celui de West Franklin, Total a dépensé plus de 100 millions d'euros, tant les conditions étaient complexes (6 km de profondeur, 1.160 bars de pression, 212 degrés).
"Avec un tel budget, je forais 40 puits à Abu Dhabi", confie Michel Verdier, directeur des Géosciences chez Total E&P UK. "Mais faire ce puits, c'est un peu comme marcher sur la lune".
Malgré des coûts élevés, la production d'or noir en Mer du Nord reste intéressante pour les grands groupes pétroliers, grâce à une fiscalité relativement clémente (59% d'impôts sur les bénéfices pour Total).
Pour doper sa productivité, le groupe a ainsi foré au moins un puits par an à Elgin-Franklin ces dernières années et continue à ratisser au peigne fin les zones alentour.
Il étudie même un projet de stockage de CO2 dans le réservoir d'Elgin, qui pourrait permettre d'améliorer le rendement du champ, le gaz injecté poussant les hydrocarbures vers la sortie.
Le groupe français place en outre beaucoup d'espoir dans un nouveau champ découvert à 140 km au large des îles Shetland. Dénommé Laggan-Tormore, il pourrait contenir 1,5 milliard de m3 de gaz.
Total espère y produire du gaz d'ici à 2014. Si la récession ne passe pas par là: seuls 37 forages sont programmés dans les eaux britanniques en 2009, contre 109 en 2008.