La taxe sur les transactions financières, remise au goût du jour par le couple franco-allemand, bénéficie de nombreux soutiens mais se heurte à l'opposition des milieux financiers et de Londres qui la jugent contreproductive et inapplicable.
Conçue en 1972 par l'économiste américain James Tobin, portée par les milieux altermondialistes et l'association Attac, la taxe a fait un long chemin avant d'être reprise par le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel et la Commission européenne.
L'avantage de la taxe, selon ses défenseurs, est double: d'un côté, limiter la spéculation en rendant dissuasif le coût des transactions et de l'autre, lever des dizaines de milliards d'euros (entre 30 et 200 milliards en Europe selon les estimations) dans l'océan des flux financiers quotidiens.
Mais la banque et la finance européennes s'y opposent avec le soutien du Royaume-Uni, sauf dans le cas très peu probable où le monde entier appliquerait la mesure.
"Toute taxe sur les transactions financières doit s'appliquer mondialement, autrement les transactions concernées vont simplement se déplacer vers les pays qui n'en appliquent pas", a fait valoir à l'AFP le ministère britannique des Finances.
Première place financière européenne, Londres craint de voir fuir les capitaux en cas de taxe, une situation observée lors d'une expérience ratée en Suède entre 1984 et 1990, où les investisseurs avaient déserté la Bourse de Stockholm pour trouver refuge... à la City.
Même son de cloche auprès des banques françaises: "une taxe sur les transactions financières ne peut se concevoir qu'au niveau international", a estimé jeudi la Fédération bancaire française (FBF).
M. Sarkozy et Mme Merkel ont indiqué mardi qu'ils allaient proposer la mesure aux 27 pays de l'Union européenne en septembre. Selon un porte-parole interrogé jeudi par l'AFP, la Commission européenne, qui avait avancé l'idée dès juin, doit présenter une proposition d'ici le sommet du G20 en novembre, "vraisemblablement en octobre".
"Mais la mesure est loin d'être adoptée", constate Elie Cohen, économiste au CNRS. "Les Anglais y sont très hostiles et les milieux patronaux allemands semblent y être très opposés également, donc ce n'est pas fait du tout", dit-il à l'AFP.
La Banque centrale européenne (BCE) a elle aussi affiché sa ferme opposition. Et au niveau mondial, il faudrait encore convaincre les Etats-Unis et la Chine, souligne M. Cohen, qui rappelle que l'idée est dans les cartons depuis près de 20 ans.
Les soutiens affichés officiellement à Paris et Berlin sont pour l'instant limités à la Belgique et la Finlande.
"Ce n'est pas parce que les opinions publiques sont particulièrement sensibles à la question que soudain la mesure a des nouveaux mérites. Les limites du modèle on les connaît très bien", selon M. Cohen, qui cite lui aussi le risque de délocalisation de la finance européenne.
Sans surprise, les principales victimes de l'annonce franco-allemande ont été les opérateurs boursiers, qui vivent des transactions: l'allemand Deutsche Börse, qui a ouvertement critiqué la mesure, a chuté mercredi de 5%, tandis que NYSE Euronext a dégringolé de 4,7%.