PARIS (Reuters) - La CGT est plongée dans la tourmente à la suite de nouvelles révélations sur des dépenses engagées par l'organisation pour son secrétaire général, avant les élections professionnelles de la fonction publique, jeudi.
Le sort de Thierry Lepaon pourrait être évoqué mardi prochain lors d'une réunion de la commission exécutive confédérale (CEC), dont les 54 membres élus constituent en quelque sorte le gouvernement de la CGT.
Aux frais d'aménagement de son domicile et de son bureau s'ajoute désormais l'indemnité de départ qu'il a touchée en 2013 quand il a quitté la tête du Comité régional CGT de Normandie pour succéder à Bernard Thibault - Les Echos font état mercredi d'une somme de 100.000 à 200.000 euros.
"Il est clair que ça choque de plus en plus de monde. Ça ne devient plus tenable d'être un dirigeant de la CGT quand on a un tel train de vie personnel", confie à Reuters un dirigeant de fédération, pour qui la situation de Thierry Lepaon "devient de plus en plus problématique".
"S'il y a d'autres affaires qui arrivent, il est sûr qu'il vaudra mieux couper la branche tout de suite. On verra bien ce qu'il se dira à la Commission exécutive de mardi", ajoute-t-il. "Ça va être certainement très compliqué."
Ce dirigeant confirme la teneur d'un document interne, révélée par Les Echos, qui promet la transparence sur les dernières informations publiées par la presse et annonce que la CEC prendra alors "toutes les dispositions nécessaires".
Selon lui, il est cependant possible qu'une décision sur Thierry Lepaon soit renvoyée à une réunion, début février, du Comité confédéral national (CCN), le "parlement de la CGT", qui rassemble tous les secrétaires généraux de ses unions départementales et de ses fédérations.
Une autre possibilité consisterait à convoquer un CCN extraordinaire si un tiers de ces organisations le demandent.
Selon un autre responsable, la Commission exécutive prendra connaissance mardi des conclusions de la commission financière de contrôle de l'organisation, chargée début novembre par le CCN de faire la lumière sur d'éventuels "dysfonctionnements".
SILENCE EMBARRASSÉ
Thierry Lepaon n'était pas le premier choix de Bernard Thibault et son accession à la tête de la CGT à l'issue d'une laborieuse bataille de succession a laissé des séquelles.
"Il y a des tensions entre beaucoup de fédérations et lui sur plein de sujets", souligne un responsable fédéral. "Il y a un problème de ligne. On ne peut pas se contenter d'appeler à une journée de mobilisation de temps en temps."
"Il y a des gens qui souhaitent le départ de Thierry Lepaon, ça commence à se discuter dans un peu tous les secteurs, c'est en train de monter", ajoute-t-il.
De là à imaginer que les fuites fragilisant le secrétaire général viennent de l'intérieur de la CGT, il n'y a qu'un pas que Thierry Lepaon n'est pas loin, lui-même, de franchir.
"Il se peut qu'il y en ait dans l'organisation qui n'acceptent pas le choix" du congrès de 2013, confiait-il ainsi le 26 novembre au micro d'Europe 1.
Des dirigeants du syndicat préfèrent la version plus "politiquement correcte" d'attaques venant de l'extérieur pour tenter d'affaiblir leur organisation avant les élections dans la fonction publique, où la CGT était arrivée en tête lors du précédent scrutin, en 2011, avec 25,4% des suffrages.
La plupart des autres responsables de l'organisation sont aux abonnés absents, se cantonnent dans un silence embarrassé ou se bornent à admettre que la CGT traverse une passe difficile et va devoir régler en interne ses problèmes.
Quelle que soit l'origine des fuites, le résultat est le même pour une confédération tiraillée entre la tentation de se rapprocher du camp réformiste et une tradition contestataire revigorée depuis le départ de Bernard Thibault.
"C'est la crédibilité de la CGT qui est en jeu", estime un dirigeant de fédération. "De toute façon, on va perdre des voix (dans la fonction publique) à cause de cette affaire. Les gens ne vont pas voter CGT parce qu'ils sont furieux contre Thierry."
"On est de plus en plus interpellé, y compris parce qu'il y a des gens qui nous disent qu'ils vont rendre leur carte."
(Emmanuel Jarry, avec Nicholas Vinocur, édité par Jean-Baptiste Vey)