par Sophie Louet
BERLIN (Reuters) - François Fillon a appelé lundi à Berlin à "un sursaut européen", estimant que la politique "agressive" de Donald Trump imposait à l'Union de muscler sa zone euro pour défendre ses intérêts économiques et peser sur la scène diplomatique.
Pour son premier déplacement à l'étranger - l'un des rares de sa campagne -, le candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle française avait choisi de rencontrer la chancelière Angela Merkel afin d'affirmer "le choix clair du couple franco-allemand" après le choc du Brexit.
Il s'agit du premier prétendant à l'Elysée reçu par la dirigeante de la CDU, qui a exclu d'accueillir Marine Le Pen et voit en François Fillon le meilleur rempart contre l'extrême droite.
Angela Merkel, qui briguera un quatrième mandat en septembre, se garde toutefois de tout soutien public au candidat conservateur, comme elle avait pu le faire en 2012 pour Nicolas Sarkozy. Les relations avec le vainqueur socialiste François Hollande s'en étaient trouvées singulièrement compliquées.
Ni la chancelière ni son porte-parole n'ont commenté la visite de l'ancien Premier ministre français, qui a fait valoir un "discours de vérité" envers les Allemands et défendu son programme de réformes structurelles, plutôt bien perçu par Berlin alors qu'il est dénoncé en France comme "une purge" par la gauche et critiqué par une partie de son camp.
"En décidant vite et fort les changements nécessaires, nous rétablirons un équilibre dans la relation franco-allemande. La complémentarité de puissance entre la France et l’Allemagne est la condition de l’efficacité de notre tandem", a dit François Fillon lors d'un discours devant la Fondation Adenauer.
RÉTORSIONS COMMERCIALES CONTRE LES USA
Pour le candidat, l'objectif prioritaire de ce duo devenu erratique est de recentrer la zone euro sur trois priorités (sécurité et immigration, souveraineté économique en faisant de l'euro une monnaie de réserve, investissement et innovation) pour faire pièce au protectionnisme de Donald Trump.
Face au "mépris des grands puissants" - Etats-Unis, Russie, Chine en tête -, et à une "indécision" qui fait "le jeu des partis extrémistes", François Fillon souhaite renforcer la gouvernance de la zone euro et faire de l'euro l'égal du dollar.
"Dans dix ans, nous devons avoir fait de notre monnaie commune une monnaie de réserve et de règlement comme la monnaie américaine. (...) Comment le faire si nous ne distinguons pas l’Europe des 19 pays partageant la monnaie unique de celle des 27 ou 28?", a-t-il lancé.
Le candidat ne prononce pas le terme, mais il se tient prêt à la guerre économique et commerciale.
Lors d'une rencontre avec des journalistes, il a été extrêmement sévère avec les règles d'extraterritorialité du droit américain et les mesures prudentielles du comité de Bâle, qu'il juge par trop favorables au système bancaire américain.
"Quand les Européens sanctionneront des entreprises américaines qui ne respectent pas un certain nombre de règles européennes, je pense qu'on sera plus forts pour les discussions commerciales", a-t-il dit, affirmant avoir l'oreille d'Angela Merkel sur ce point comme sur Bâle.
"Nous devons refuser les accords de libre-échange qui ne sont pas dans l’intérêt de nos économies et de nos emplois", a-t-il poursuivi devant la Fondation Adenauer, jugeant "déséquilibré" le projet de traité commercial avec Washington.
RENOUER AVEC LA RUSSIE
Cette posture offensive vaut aussi pour François Fillon sur les fronts de la diplomatie et de la Défense.
Donald Trump, déclare-t-il dans un entretien au Monde et à la Frankfurter Allgemeine Zeitung,"ne nous fera pas de cadeau". Aussi plaide-t-il pour une alliance de Défense européenne, non "une structure" mais une mutualisation pragmatique des forces et moyens européens face à une Otan qualifiée d"'obsolète" par le nouveau président américain.
"Elle suppose que chaque nation européenne accepte enfin de déployer ses soldats pour la défense de nos intérêts de sécurité les plus vitaux", a-t-il dit, citant le Mali et le Niger.
François Fillon, qui fait dire à ses conseillers qu'il ne se revendique nullement "grand ami" de Vladimir Poutine, met en garde en outre contre la tentation de Donald Trump de dialoguer avec le Kremlin "par dessus le dos des Européens".
"Ce n'est pas une hypothèse absurde. (...) Il faut trouver les moyens de dialoguer avec la Russie, ce n'est pas facile", a-t-il concédé devant des journalistes.
"La Russie a commis des fautes, des erreurs, mais nous aussi. Ma conviction, c'est que les sanctions économiques n'ont aucune efficacité", a-t-il dit à propos du conflit ukrainien.
Il a expliqué, sans plus de détails, avoir plaidé auprès d'Angela Merkel pour une levée des sanctions "qui serait précédée d'un geste de la Russie" en accord avec le compromis de Minsk sur l'Ukraine.
(Edité par Yves Clarisse)