Airbus veut mettre les gouvernements européens au pied du mur, en menaçant d'abandonner le programme A400M faute d'un accord avant la fin du mois sur le financement de l'avion de transport militaire.
"Nous ne pouvons tout simplement pas aller au-delà de la fin janvier sans savoir où nous allons financièrement", a déclaré mardi le président exécutif d'EADS Louis Gallois devant la presse, sur le site de Séville, dans le sud de l'Espagne, où l'avion est assemblé.
"Aujourd'hui, j'envoie un message d'urgence aux gouvernements", a ajouté le patron de la maison mère d'Airbus, qui a aussi indiqué souhaiter que cet avion soit un "succès".
L'A400M, un programme en retard d'au moins trois ans, pourrait coûter jusqu'à 11 milliards d'euros de plus que prévu initialement. Le partage de ce fardeau financier est actuellement au coeur des désaccords entre Airbus et ses clients, qui doivent trouver une solution avant la fin du mois.
Une nouvelle réunion des pays clients de l'A400M doit se tenir le jeudi 14 janvier à Londres, alors que les sept nations engagées dans le programme peinent toujours à trouver une position commune.
L'Allemagne, plus gros client de l'avion, est en particulier réticente à accorder une rallonge financière.
Le Royaume-Uni a également répété mardi qu'il était engagé dans le programme "mais pas à n'importe quel prix".
Le président d'EADS a pour sa part regretté de ne pas être invité à la table des négociations et que le problème de fond - l'argent - n'ait toujours pas été abordé. "Nous sommes prêts à négocier avec les pays", a-t-il indiqué.
Sept pays (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Belgique, Turquie, Luxembourg) avaient commandé en 2003 un total de 180 appareils pour 20 milliards d'euros.
Mais l'avion a connu de lourds problèmes de développement, en raison principalement de sa motorisation et des exigences divergentes des clients. Après un premier vol en décembre dernier à Séville, le premier exemplaire ne sera pas livré avant le début de 2013 à la France, qui se débat avec une flotte d'antiques Transall.
EADS avait à l'époque signé un contrat à prix fixe, "une erreur", estiment aujourd'hui ses dirigeants actuels.
Le groupe, qui a déjà dû prendre pour 2,4 milliards d'euros de provisions sur ce programme, souhaite aujourd'hui partager les surcoûts avec les gouvernements européens.
"Nous ne pouvons pas continuer l'A400M sans une contribution significative de nos clients", a de nouveau martelé le président d'Airbus, l'Allemand Thomas Enders, qui juge aussi qu'il est maintenant "grand temps de prendre une décision".
Airbus, qui dépense entre 100 et 150 millions d'euros par mois sur l'A400M, redoute désormais que ce programme ne menace la viabilité de l'entreprise dans son ensemble. L'A400M "doit être réalisé dans des circonstances qui ne menacent pas le futur d'Airbus", a mis en garde Thomas Enders.
L'avionneur résiste bien à la crise dans son activité commerciale. Il a livré un record de 498 appareils aux compagnies aériennes l'an dernier, confortant sa place de numéro un devant son concurrent américain Boeing.
Mais il fait aussi face à d'autres importants défis industriels, au premier rang desquels la montée en cadence toujours problématique de son très gros porteur, l'A380, et le lancement de son futur long-courrier, l'A350. Des programmes commerciaux qui nécessitent de lourds investissement financiers et humains.
Les syndicats, français et allemands, ont pour leur part déjà mis en garde sur les conséquences sociales d'un éventuel abandon du programme A400M, qui devrait employer 40.000 personnes à terme.