Le constructeur aéronautique américain Boeing a provoqué son adversaire européen Airbus en duel sur le dossier des avions ravitailleurs américains pour la troisième fois en neuf ans vendredi, en présentant à son tour son offre à l'armée de l'Air.
En 8.000 pages, remises en mains propres à la base militaire aérienne de Wright-Patterson (Ohio, nord des Etats-Unis) où le contrat est géré, Boeing détaille une proposition se voulant la plus économe.
Le constructeur américain propose une version modifiée de son long-courrier B767. Plus petit que l'A330 modifié que propose Airbus, le "NextGen Tanker" devrait consommer moins de carburant, et ne pas exiger la construction de nouveaux hangars : Boeing promet 10 milliards de dollars d'économies de carburant sur une durée d'utilisation de 40 ans, et des coûts de maintenance de 15 à 20% inférieurs à ceux d'Airbus.
"Ce ravitailleur révolutionnaire présente les capacités d’un gros porteur et un encombrement limité grâce à son fuselage étroit", a souligné le directeur général de la division Défense, Espace et Sécurité de Boeing, Dennis Muilenburg, dans un communiqué.
Airbus avait devancé l'échéancier de 24 heures en remettant dès jeudi un dossier de 8.819 pages, après avoir obtenu un délai de deux mois à la suite du retrait de son ancien partenaire Northrop Grumman.
L'avionneur européen s'est finalement allié à plus de 200 fournisseurs américains, certains participant aussi à l'offre concurrente de Boeing, comme Rockwell Collins (avionique et électronique embarquée).
C'est la troisième fois en moins de dix ans que les deux constructeurs s'affrontent pour décrocher ce qu'Airbus a qualifié jeudi de "marché du siècle", l'évaluant aux alentours de 40 milliards de dollars.
L'enjeu est énorme, a souligné Peter Arment, analyste chez Gleacher & Co. Outre la fourniture des appareils, qui pourrait réserver au constructeur choisi des marges de 10% (soit 3,5 à 4 milliards de dollars), le gagnant devra assurer l'entretien des appareils.
"C'est au minimum une opportunité de plusieurs dizaines d'années", a-t-il dit à l'AFP.
En 2003, le contrat avait été attribué à Boeing, avant la révélation d'un grave conflit d'intérêt qui avait contraint le Pentagone à relancer la procédure. En 2008, Airbus l'avait emporté, avant que la Cour des comptes annule le tout, une nouvelle fois.
Cette fois, les militaires ont jusqu'à la mi-octobre pour étudier les offres dans les moindres détails. Leur décision --qui sera susceptible d'un nouvel appel à la Cour des Comptes-- est attendue à la mi-novembre.
Boeing, associé à 800 fournisseurs répartis dans une quarantaine d'Etats, vante un avion tout américain, et met en avant les emplois créés aux Etats-Unis: 50.000 au total.
Airbus assure que son projet créera 48.000 emplois aux Etats-Unis, et souligne que l'usine d'assemblage prévue à Mobile (Alabama, Sud) apportera un ballon d'oxygène à une région souffrant de la marée noire dans le golfe du Mexique.
L'européen met aussi en avant les performances supérieures de son appareil par litre de carburant, assurant aller au-delà des 372 exigences minimales fixées par le Pentagone.
Airbus fait aussi valoir qu'il a remporté les cinq derniers appels d'offre pour la fourniture de ravitailleurs dans le monde face à Boeing (Etats-Unis en 2008, Grande-Bretagne, Australie, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis) : grâce à ces commandes, fait valoir Airbus, son appareil est pratiquement prêt.
Boeing riposte en assurant avoir déjà livré quatre ravitailleurs basés sur le B767 au Japon, et remporté un contrat pour en fournir quatre à l'Italie.
Par ailleurs une petite société en graves difficultés financières, US Aerospace, a affirmé qu'elle soumettait vendredi une troisième proposition de ravitailleurs, basée sur un modèle d'Antonov.
Le constructeur russo-ukrainien n'a jamais confirmé sa participation et le Pentagone s'est refusé à tout commentaire.