Les entreprises et intérêts financiers jouent un rôle largement plus important que par le passé dans le financement de la campagne présidentielle américaine en raison du poids considérable des comités de financement politique "indépendants", les super-PAC, entrés en jeu en 2010.
Un jugement de la Cour Suprême reconnaissant en 2010 aux organisations, y compris les entreprises, le même droit d'expression qu'aux citoyens, a levé de facto tous les plafonds de contribution aux super-PAC, même si les versements directs aux campagnes électorales sont toujours limités à 5.000 dollars par élection et par personne.
"Ce jugement a mis un arrêt à 75 ans de réglementation pour restreindre le financement des élections par les entreprises", explique James Thurber, professeur de sciences politiques à l'American University de Washington.
"Il a permis aux entreprises, aux syndicats et autres organisations d'être impliqués plus directement dans les campagnes politiques. Ils peuvent utiliser leurs bénéfices pour payer des publicités, envoyer des courriers, etc.", souligne Bob Biersack, du Center for Responsive Politics (CRP).
Ces comités sont indépendants des états-majors de campagnes avec lesquels ils n'ont pas le droit de communiquer directement, mais leur couleur politique est claire.
"Avant 2010, si vous étiez un peu créatif, vous pouviez dépenser 200.000 ou 300.000 dollars pour soutenir un candidat" en contournant la règle des 5.000 dollars, "maintenant vous pouvez dépenser des millions", renchérit James Thurber.
Les plus gros donateurs des primaires républicaines sont des dirigeants d'entreprises comme le milliardaire texan Harold Simmons, qui avait dépensé 11,2 millions de dollars fin janvier dont quelques 9 millions venant des caisses de son fonds d'investissement Contran, ou le propriétaire de l'hôtel-casino Venetian à Las Vegas, Sheldon Adelson, qui a déjà mis 10 millions derrière Newt Gingrich, d'après le CRP.
Sans eux, les candidats qui mettent en difficulté le favori républicain Mitt Romney, comme M. Gingrich ou Rick Santorum, seraient déjà éliminés de la course.
Le secteur économique le plus actif auprès des républicains est celui de la finance, l'assurance et l'immobilier, qui a dépensé 25,5 millions pour alimenter des campagnes officielles et des super-PAC, républicains à 80%.
Viennent ensuite les secteurs de la chimie (18 millions) et de la santé (7 millions), en quasi totalité en faveur des républicains.
Le président sortant Barack "Obama a irrité beaucoup de gens du secteur financier et de la santé avec ses réformes, et ils devraient lui donner moins d'argent qu'en 2008, quand tout le monde était amoureux de lui", remarque James Thurber.
Les firmes de Wall Street sont particulièrement enclines à remplir les caisses de Mitt Romney, car il est issu de leurs rangs, ayant passé une grande partie de sa carrière au fonds Bain Capital.
Côté démocrate, le plus gros donateur est pour l'heure Jeffrey Katzenberg, patron du studio d'animation Dreamworks, qui a déboursé 2 millions pour soutenir la réélection de M. Obama.
Il est emblématique du secteur du divertissement, plus gros soutien du président sortant avec 5,2 millions dépensés, dont plus de la moitié en faveur de "super-PAC" démocrates. Le secteur de l'édition a donné 2,3 millions, la moitié pour les démocrates.
"La plupart des entreprises couvrent leurs arrières en faisant des donations aux deux camps", au cas où leur champion serait battu, remarque M. Thurber.
Mais, conclut-il, si plus d'argent vient influencer la campagne, le mouvement spontané Occupy Wall Street a démontré qu'il était possible de marquer le débat politique autrement.