Les anciens de SeaFrance qui avaient constitué leur Scop, MyFerryLink, ont subi mardi un nouveau revers, l'autorité britannique de la concurrence ayant confirmé dans une décision provisoire, l'interdiction faite à leurs ferries d'opérer depuis le port de Douvres.
L'Autorité de la concurrence et des marchés britannique (CMA) rendra son avis définitif mi-juin, mais a confirmé mardi, de manière provisoire, l'interdiction faite à Eurotunnel (propriétaire des bateaux de MyFerryLink, ndlr) "d'opérer un service de ferries depuis Douvres".
Selon la CMA, "si Eurotunnel (PARIS:GETP) était autorisé à continuer ses services de ferry depuis Douvres, un concurrent devrait probablement se retirer (de la ligne) Douvres-Calais", laissant le groupe opérateur à la fois de la liaison ferroviaire via le tunnel sous la Manche, et de l'un des deux services de ferries actifs sur la principale ligne maritime transmanche.
Les anciens de SeaFrance, qui s'étaient constitués en coopérative de salariés (Scop) après la liquidation du groupe public, ont immédiatement indiqué qu'ils retourneraient devant la Cour d'Appel si la CMA devait, après avoir pris en compte les observations des diverses parties prenantes, maintenir sa position.
MyFerryLink "ne peut accepter une telle attitude" de la CMA, qui n'a "toujours pas la compétence juridique au regard du droit britannique", a indiqué la compagnie maritime dans un communiqué.
Dans un communiqué distinct, le groupe Eurotunnel a également souligné que cette décision préliminaire est basée "sur une analyse erronée quant aux évolutions significatives du marché des ferrys depuis 2012". Il a notamment relevé que le marché a progressé depuis de 12% (et non de 2% comme anticipé par la CMA) depuis cette date et que les trois opérateurs initiaux sont toujours présents sur cette desserte.
Si l'autorité britannique confirme cette décision le mois prochain, les 600 salariés de MyFerryLink devront mettre un terme à la desserte de Douvres - principal point d'entrée du trafic transmanche en Grande-Bretagne - dans les six mois, la CMA ayant rejeté la demande du concurrent DFDS de réduire cette période de transition à trois mois.
- "Décision injuste" pour Cuvillier -
Cette décision contredit celle de l'Autorité française de la concurrence, qui avait autorisé, en novembre 2012, le rachat sous conditions de certains actifs de SeaFrance par le groupe Eurotunnel, choisi en juin 2012 par la justice française pour reprendre trois navires de SeaFrance.
Cette contradiction entre les deux autorités ne "peut pas trouver de solution par une décision unilatérale", a indiqué à l'AFP le secrétaire d’État aux Transports Frédéric Cuvillier, soulignant que "la seule compagnie battant pavillon français (et opérant sur cette ligne) en ferait les frais".
Faisant état d'une "décision injuste", il s'est également dit "intransigeant sur le libre-accès au port. Je ne suis pas certain que l'Autorité ait la possibilité de contourner le droit maritime".
Frédéric Cuvillier doit rencontrer mardi le secrétaire d'État britannique aux entreprises, Michael Sallon, dans le cadre du salon aéronautique de Berlin et assure qu'il va "faire connaître aux autorités britanniques notre très vive préoccupation".
La CMA a également rejeté la solution de laisser MyFerryLink opérer la liaison indépendamment d'Eurotunnel, car cela impliquerait, selon elle, que la Scop puisse avoir accès à des financements nouveaux "substantiels", ce qui présente "trop d'incertitudes et de délais pour représenter une solution efficace".
En juin 2013, la Commission de la concurrence avait interdit l'exploitation au départ du port britannique de Douvres des ferries de MyFerryLink. Cette décision avait été cassée en décembre par le tribunal d'appel de la concurrence britannique.
Mais le 21 mars, la commission a assuré qu'elle disposait bien de la compétence juridique pour se prononcer sur l'acquisition par Eurotunnel des bateaux de l'ex-SeaFrance.