Les frappes aériennes en Libye offrent à l'avion de combat Rafale une occasion inattendue de faire la démonstration de son efficacité, au moment où son fabricant français Dassault tente de convaincre plusieurs acheteurs étrangers, selon des experts.
Depuis la mise en place samedi de la zone d'exclusion aérienne destinée à protéger les populations civiles libyennes, une quinzaine d'appareils ont effectué des missions de reconnaissance et/ou de frappe. Huit autres sont en outre embarqués sur le porte-avions nucléaire français Charles-de-Gaulle.
La Libye "peut être une façon de faire de la publicité au Rafale grâce à un retour d'expérience au combat", résume Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
"Le Rafale est certes déjà engagé en Afghanistan, mais ce conflit n'est pas populaire. Les industriels hésitent donc à communiquer sur leurs matériels", dit-il. En Libye, l'enjeu affiché est de libérer le peuple du joug de Mouammar Kadhafi.
Considéré comme une réussite technique française, le Rafale est un échec commercial: il n'a jamais été vendu à l'étranger. Début février, le PDG de Dassault Aviation, Charles Edelstenne, avait toutefois déclaré que le Rafale avait des chances d'être exporté dans huit pays.
L'appareil est notamment en lice au Brésil contre le F-18 de l'américain Boeing et le Gripen du suédois Saab. Mais le contrat, présenté par Paris comme acquis fin 2009, n'a jamais été signé.
La France négocie parallèlement depuis 2008 avec les Emirats Arabes Unis la vente de 60 exemplaires. L'avion de chasse a en outre été proposé à l'Inde, au Koweït, à la Suisse, à la Grèce et même... à la Libye.
Dans ces négociations jusqu'alors infructueuses, l'intervention en Libye "va nous aider à le vendre", estime un responsable français sous couvert d'anonymat.
"Un conflit permet de démontrer véritablement les capacités d'un appareil. La Libye représente une vitrine technologique", commente Christophe Ménard, analyste chez Kepler Capital Markets. Selon lui, c'est un test grandeur nature "à condition qu'il n'y ait pas de perte d'appareil".
Mieux, les Français étant amenés à travailler avec les Qataris, il est plus facile de convaincre les acheteurs potentiels, ajoutent les deux experts.
"Un avion de combat n'est jamais mieux vendu que lorsqu'il a été confirmé +apte au combat+. Le plus bel exemple est le Mirage 3, qui, après la guerre des Six jours (juin 1967, où il avait été utilisé par Israël, ndlr), avait montré une telle capacité qu'il est devenu un best seller mondial", rappelle une source proche de Dassault Aviation.
Elle souligne qu'en Libye, la configuration est un peu différente, dans la mesure où le Rafale ne fait pas face à un avion du même niveau.
La défense anti-aérienne libyenne s'est en outre révélée faible face à des Rafale testés en haute altitude et équipés de "contre-mesures" (leurres, etc.), souligne le responsable français.
Enfin, Abou Dhabi a pu doucher les attentes françaises en affirmant que le rôle des Emirats en Libye se limitait "à l'aide humanitaire" quand Paris espéraient les voir participer aux frappes avec des Mirage 2000-9.
A terme, le Rafale est destiné à remplacer à lui seul sept types d'avions. "Cette polyvalence est décisive pour l'armée qui l'emploie", insiste Stéphane Fort, porte-parole de Dassault Aviation.
"Avec le Rafale, un état-major peut choisir de lancer une opération de reconnaissance, de combat aérien ou de bombardement alors que l'avion est déjà en vol. Il dispose d'une extrême souplesse".
Le F-18 est lui aussi multirôles mais il ne peut être configuré que pour l'une des missions à la fois, et ce, avant son décollage.