Les dirigeants des grandes banques américaines devraient prochainement commencer à toucher leurs primes annuelles, malgré la désapprobation de leurs concitoyens - à commencer par le président Barack Obama - qui jugent que ce type de rémunération a alimenté la crise.
Une pluie de dollars devrait s'abattre sur les employés de Wall Street, certains banquiers pouvant recevoir des bonus à "six, sept, voir huit chiffres", écrivait dimanche le New York Times, même si cette forme de rémunération controversée a des chances d'intervenir principalement sous forme d'actions et non plus en liquide.
Se sachant en bisbille avec Washington, les grandes banques essayeront sans doute de jouer aux équilibristes en distribuant les bonus tout en essayant de minimiser les remous politiques, estiment des experts.
Mais cela ne devrait pas suffire à calmer l'ire des citoyens Américains, sollicités à hauteur de 700 milliards de dollars pour renflouer les banques américaines mises à genoux par la crise des crédits "subprime".
"La saison des grosses primes, dans les prochains jours et les prochaines semaines, va scandaliser le peuple américain", a prédit Cristina Romer, présidente du Comité des conseillers économiques de Barack Obama.
Beaucoup de dirigeants de banques "continuent tout simplement à ne pas saisir la situation", a lancé lundi le porte-parole de M. Obama. Ce dernier avait déclaré le mois dernier qu'il n'avait "pas été candidat (à la présidence) pour aider un tas de banquiers gras de Wall Street".
Un haut responsable a d'ailleurs averti lundi que le président n'excluait pas de taxer davantage les banques qui ont été sauvées de la faillite par l'argent du contribuable.
Selon un rapport du Trésor au Congrès publié lundi, 545 des 700 milliards ont été engagés, dont 372,62 ont été effectivement dépensés. Sur cette somme, 165,18 milliards ont été remboursés par les banques et 209,44 milliards restent dus à l'Etat.
Selon les experts, la question des rémunérations n'est pas si simple.
Limiter le montant des primes revient à augmenter les bénéfices des actionnaires, tandis que taxer les rémunérations fait courir le risque de voir partir les meilleurs dirigeants, remarque Douglas Elliott de la Brookings Institution.
"Certaines décisions qui pourraient sembler satisfaisantes au niveau émotionnel nous feraient plus de mal que de bien", dit M. Elliott, estimant que la solution populaire de différer les paiements pourrait engendrer le départ des meilleurs éléments.
"Wall Street est toujours dans un bras de fer à propos de la rémunération des traders. Il n'y a pas de solution facile", note-il.
De nouvelles règles ont toutefois déjà cours, telles celles mises sur pieds par la banque centrale. Et une poignée de grands groupes, dont les grandes banques d'investissements Goldman Sachs et Morgan Stanley, sont en train de travailler sur des directives, volontaires, cadrant le versement des primes.
Reste que "la culture n'a pas changé": en dépit de certaines modifications apportées ça et là aux manières de faire, les grandes banques continuent à inciter aux prises de risques en faisant miroiter des primes faramineuses, dit John Coffee, professeur de droit à l'université Columbia de New York.
De plus, remarque cet expert consulté par le Congrès américain, "certains (dirigeants) qui n'ont pas reçu leurs primes (en 2009) pensaient qu'ils étaient éligibles cette année et les attendent maintenant".