La Belgique commence à craindre que la crise politique qui l'empêche depuis des mois de former un gouvernement ne finisse par déclencher une crise financière comme en Grèce ou en Irlande, même si ses fondamentaux économiques restent plutôt bons.
"Nous devons avoir un nouveau gouvernement dans les semaines à venir", a prévenu lundi Guy Quaden, le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB).
"Et, bien entendu, j'entends par là un gouvernement stable", a-t-il insisté, dans une allusion aux remous politiques des dernières années.
Depuis 2007, le pays n'a pratiquement jamais connu de stabilité politique. L'actuel Premier ministre, Yves Leterme, a démissionné en avril et gère depuis les affaires courantes.
En dépit d'élections législatives anticipées en juin, les partis flamands et francophones n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord sur l'avenir du pays et sur un programme de gouvernement.
Le président de l'UE et ex-Premier ministre belge Herman Van Rompuy a lui aussi appelé lundi à "accélérer" les négociations politiques, tandis que le ministre des Finances Didier Reynders a mis en garde contre "l'instabilité politique" et le risque de créer sur les marchés "un climat psychologique source de difficultés dans quelques semaines".
Les investisseurs ont déjà montré des signes de nervosité : sur le marché obligataire, le taux des emprunts belges à dix ans est passé en séance la semaine dernière au-dessus de 4% pour la première fois depuis juillet 2009, et l'écart avec les emprunts allemands, référence dans la zone euro, a atteint un sommet depuis la création de la zone euro, à 139 points de base.
Une réaction "bizarre, exagérée, et même plus qu'irrationnelle", juge Guy Quaden, qui rejette toute comparaison "raisonnable" de la Belgique avec d'autres pays à problèmes comme la Grèce et l'Irlande, qui ont eu besoin d'une aide financière, ou le Portugal qui pourrait être le prochain.
"Cela étant dit, on comprend difficilement à l'étranger qu'un pays puisse rester plus de six mois sans un nouveau gouvernement et continuer à fonctionner", a reconnu le chef de la banque centrale.
"Moi, je dis à ces personnes : venez voir à Bruxelles, il n'y a pas de manifestations, les rues sont calmes, dans les entreprises les gens travaillent, et dans les ministères on travaille aussi", a-t-il poursuivi.
"Mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps", a-t-il reconnu, "un gouvernement en affaires courantes peut faire certaines choses, mais nettement moins qu'un gouvernement qui a les pleins pouvoirs."
Or, la Belgique doit trouver 20 à 22 milliards d'euros d'économies pour ramener comme elle l'a promis ses finances publiques à l'équilibre d'ici à 2015.
Dès l'an prochain, le déficit public est censé passer à 4,1% du PIB, mais tant la BNB que la Commission européenne tablent, à politique inchangée, sur un niveau supérieur, de respectivement 4,7% et 4,6%.
Surtout, le lourd endettement du pays inquiète : la BNB l'évalue à 97,6% du PIB cette année et à 99,8% en 2011. La Commission, plus pessimiste, s'attend à ce qu'il franchisse à nouveau l'an prochain la barre psychologique des 100% du PIB.
Alors que la crise politique fait craindre un éclatement du pays, Yves Leterme a appelé les partis à ne pas agiter ce scénario en commençant à parler d'un partage du fardeau de la dette. C'est "la ligne rouge à ne pas franchir" car cela affolerait les marchés, a-t-il prévenu.
Le gouvernement et la banque centrale se veulent toutefois rassurants sur les fondamentaux économiques du pays : la croissance belge est supérieure à la moyenne de la zone euro, et son déficit moins élevé, ont rappelé Yves Leterme et Guy Quaden.