Les marchés financiers ont gardé leur sang froid mardi au lendemain de l'annonce de la mise sous surveillance de la zone euro par Standard and Poor's, les analystes expliquant que cette pression "méritée" sur l'ensemble de l'Union monétaire ne stigmatisera pas un pays en particulier.
Au terme d'une journée calme, la plupart des Bourses européennes ont clôturé en légère baisse et les taux d'emprunt des Etats n'ont subi que de faibles tensions sur le marché obligataire, peu affectés par la menace de l'agence d'évaluation financière de dégrader la note souveraine de quinze pays européens dont l'Allemagne et la France.
"La réaction des investisseurs est faible car au final l'annonce de Standard and Poor's est méritée: nous savions depuis longtemps que la zone euro dans son ensemble n'était plus triple A", décrypte Frédérik Ducrozet, économiste pour le Crédit Agricole.
Même l'Allemagne, longtemps considérée comme le meilleur élève de l'Union monétaire, a "perdu son statut de pays refuge", lorsque Berlin a eu beaucoup de mal à placer sa dette auprès des investisseurs lors de sa dernière émission obligataire, le 23 novembre, ajoute-t-il.
Concurrente de S&P, l'agence américaine Moody's avait d'ailleurs averti la semaine dernière que l'aggravation rapide de la crise de la dette mettait en péril les notes de solvabilité de tous les Etats européens, même ceux notés "AAA", mais elle n'avait pas été jusqu'à placer celles-ci sous "surveillance négative".
La menace de Standard and Poor's paraît aussi, aux yeux du marché, moins nocive car elle frappe l'ensemble de la zone euro.
"Cela aurait été plus embêtant si l'attention s'était concentrée sur un ou deux pays, on aurait eu ce qui s'est passé avec l'Italie, l'Espagne ou la Grèce", dont les taux d'emprunt s'étaient régulièrement envolés à la suite des dégradations de leur note souveraine, souligne Frédéric Rozier, gérant d'actions chez Meeschaert Gestion Privée.
"Au sein de la zone euro, l'important réside dans les écarts de traitement. Là tout le monde est dans le même bateau", renchérit Jean-Louis Mourier, économiste pour le courtier Aurel BGC.
Un bémol, la France, seul pays triple A qui pourrait être dégradé de deux crans, selon S&P, inquiète davantage l'économiste.
Au final, cette épée de Damoclès brandit par Standard and Poor's pourrait même être opportune.
En mettant ainsi la pression sur les autorités à la veille d'un sommet européen présenté comme celui de la dernière chance, "l’agence leur rend presque service", estime François Duhen, stratégiste au Crédit Mutuel-CIC.
Selon lui, "l'euphorie de ces derniers jours sur les marchés financiers et la très forte détente des taux souverains auraient pu avoir un effet +désincitatif+ sur les gouvernements les plus récalcitrants. Il est donc bienvenu que Standard & Poor’s rappelle que l’euphorie pourrait vite cesser".
Les experts sont unanimes: les marchés résistent surtout dans l'espoir d'un plan de sortie de crise pour la zone euro lors du sommet des 8 et 9 décembre avec en toile de fond des éclaircissements sur le rôle renforcé que pourrait être amené à jouer la Banque centrale européenne (BCE).
Enfin, les investisseurs --habitués aux annonces chocs des trois grandes agences de notation depuis plusieurs mois-- ont aussi appris à relativiser.
"Si les pays AAA étaient réellement dégradés, ils conserveraient des notes de qualité", note M. Mourier.
"Il faut tomber dans une catégorie de notes dites +spéculatives+ (en dessous de la note BBB, ndlr) pour que certains investisseurs, et notamment les compagnies d'assurances, n'achètent plus vos titres de dette. Nous sommes très loin de cette situation même pour la France", explique-t-il.