PARIS (Reuters) - Le bras de fer entre Marine Le Pen et son père Jean-Marie est entré dans sa phase finale avec la convocation le 20 août du fondateur du Front national devant le bureau exécutif du parti réuni en formation disciplinaire pour une estocade estivale.
Pour l'avocat de Jean-Marie Le Pen, l'objet de la réunion de cet organe "aux ordres de Marine Le Pen" ne peut être que la radiation ou l'exclusion du vieux dirigeant d'extrême droite, hypothèse d'ailleurs évoquée noir sur blanc par la convocation.
"Ils ne feraient pas tout cela pour une simple suspension", a déclaré à Reuters Me Frédéric Joachim.
D'autant, rappelle-t-il, que Jean-Marie Le Pen, 87 ans, en guerre ouverte avec sa fille qui lui a succédé à la présidence du FN, a déjà obtenu de la justice l'annulation début juillet d'une précédente décision de suspension.
"Il n'y a plus aucune trêve. C'est une lutte à mort (...) de quelqu'un (Marine Le Pen) qui est engagé dans une bataille d'amour-propre absolument suicidaire", ajoute l'avocat. "Elle est en train de détruire le mouvement que lui a donné son père."
Marine Le Pen a assuré pour sa part mercredi matin sur RTL qu'elle ne redoutait "absolument pas" la confrontation avec son père, qui avait refusé de se rendre à une première convocation.
"Jean-Marie Le Pen a le pouvoir de s'expliquer devant le bureau exécutif (...). J'espère qu'il se rendra à [la convocation] car je crois qu'il est important que ce débat contradictoire puisse avoir lieu", a fait valoir la présidente du FN, qui est devenu le troisième parti de France depuis qu'elle en a pris la tête.
La convocation de quatre pages énumère 15 griefs, dont les propos de Jean-Marie Le Pen qualifiant les chambres à gaz nazies de "détail de l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale" ou refusant de considérer le maréchal Pétain comme un traître.
Elle mentionne aussi des propos très négatifs de l'ancien président du FN sur la nouvelle direction du parti ou accusant sa fille de "dynamiter sa propre formation" - propos souvent tenus en réaction aux critiques dont il était lui-même l'objet.
FÊTE ET ANNIVERSAIRE
La lettre signée Marine Le Pen mentionne encore l'irruption très médiatisée de son père sur l'estrade d'où elle allait prononcer un discours, le 1er mai, place de l'Opéra, à Paris.
"Jean-Marie Le Pen multiplie depuis déjà un grand nombre de semaines les actions de parasitage, de dénigrement de l'action et de la direction du FN (...) et de la ligne politique choisie par les adhérents", a expliqué Marine Le Pen. "Ce comportement nécessite que les instances du FN s'en saisissent."
Pour Me Joachim, la direction du FN a "gratté les fonds de tiroir" pour constituer un "assemblage hétéroclite" de motifs, dont beaucoup, souligne-t-il, ont déjà été jugés insuffisants par la justice pour justifier une sanction.
Il estime également que cette convocation, en pleine période de vacances d'été, est un "coup de force de plus".
"C'est une brimade, c'est pour embêter Jean-Marie Le Pen", souligne l'avocat. "On sait bien qu'il est vieux et fatigué, que sa santé est chancelante et qu'il a besoin de repos."
Sur son blog, l'ancien président du FN reproche à sa fille de lui avoir adressé cette lettre par huissier "le jour de la Saint-Jean-Marie", au moment où il s'apprêtait à partir pour une cure de repos. Il qualifie le procédé d'"abject" et "tout à fait indigne d'un candidat à la présidence de la République".
Ce nouvel épisode coïncide aussi avec le 47e anniversaire de Marine Le Pen, né le 5 août 1968. Selon Me Joachim, Jean-Marie Le Pen lui avait envoyé "un mot fort aimable lui souhaitant un bon anniversaire et lui proposant une réconciliation".
Pour l'avocat, "il n'y a rien à gagner (pour la direction du FN) à faire de lui un martyr".
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)