La Cour suprême des Etats-Unis a levé jeudi les limites au financement des campagnes électorales nationales par les entreprises, une révolution dans la loi électorale américaine qui limitait ce droit depuis vingt ans immédiatement dénoncée par Barack Obama.
La décision a déjà fait l'effet d'une bombe aux Etats-Unis où des élections législatives sont prévues en novembre 2010.
Le président américain Barack Obama, dont l'administration avait plaidé pour le maintien de l'ancienne loi, a déploré dans un communiqué l'"irruption brutale" de l'argent des groupes de pression dans les campagnes électorales.
"Il s'agit d'une victoire majeure pour les grandes compagnies pétrolières, les banques de Wall Street, les sociétés d'assurance-maladie et tous les intérêts puissants qui oeuvrent chaque jour à Washington pour retirer toute voix au peuple américain", a-t-il estimé, en annonçant qu'il allait "travailler immédiatement avec le Congrès" pour contrer la décision de la Cour.
La plus haute juridiction des Etats-Unis a en effet renversé une règle, qui prévalait depuis deux décennies, interdisant aux entreprises privées de puiser directement dans leur trésorerie pour financer des spots électoraux en faveur ou en défaveur d'un candidat.
Elle l'a fait au nom du premier amendement de la constitution qui érige depuis plus de 200 ans la liberté d'expression au premier rang des valeurs des Etats-Unis.
"Quand le gouvernement essaie d'utiliser son pouvoir (...) pour décider où quelqu'un peut obtenir une information, ou à quelle source il ne peut avoir accès, il recourt à la censure pour contrôler la pensée", a estimé la Cour, qui s'est prononcée par cinq voix contre quatre pour cette analyse.
"Les entreprises, comme les individus, n'ont pas une pensée unique", a-t-elle ajouté.
Elle n'a rien dit en revanche sur les contributions de grandes entreprises directement aux candidats.
En 1990 (BIEN 1990), une précédente décision de la Cour suprême avait établi que les sociétés privées ne pouvaient débloquer des fonds qu'au moyen d'un "comité d'action politique", une association spécialement consacrée et créée à cette seule fin. Les actionnaires qui le souhaitaient pouvaient y verser de l'argent.
Dans un argumentaire presque deux fois plus long que celui de la majorité, les quatre juges - progressistes - qui ont voté contre affirment que la décision va à l'encontre du "bon sens du peuple américain (...) qui s'est battu contre la possibilité de corruption".
"Si la démocratie américaine est imparfaite, très peu de gens hors de la majorité de cette Cour penseraient que ses défauts comprennent la limite du financement de la politique par les sociétés privées", ont-ils affirmé.
Ils se sont en revanche rangés à l'avis de la majorité pour confirmer l'obligation faite au financeur de faire apparaître son nom sur un spot électoral lorsque celui-ci n'a pas été conçu par le candidat ou son parti.
A l'origine de l'affaire, un documentaire intitulé "Hillary: le film", complètement à charge contre celle qui était alors candidate à l'investiture démocrate à la Maison Blanche en 2008. Son producteur, l'association Citizens United voulait le diffuser sur une chaîne câblée de vidéo à la demande, et pour cela avait tourné de courts spots de publicité pour le film, donc contre Mme Clinton.
Le gouvernement américain avait porté l'affaire devant la justice, arguant que la loi électorale interdisait le financement de spots électoraux pour ou contre un candidat par les sociétés privées, quand elles le faisaient sur leurs fonds propres.