Le ministère de l'Industrie a annoncé jeudi avoir trouvé un investisseur turc capable d'injecter 20 millions d'euros pour sauver du dépôt de bilan l'équipementier automobile Heuliez, nouvel épisode d'une saga qui prend un tour de plus en plus politique à l'approche des élections.
Il s'agit de "Alphan Manas, qui dirige le fonds d'investissement Brightwell", un "homme d'affaires reconnu et estimé, proche des principaux groupes industriels de son pays", selon le ministère.
De son côté, l'actuel président d'Heuliez, Emilio Gallucio, a confirmé "entrer ce jour en discussion exclusive" avec BrightWell sur une entrée au capital "à hauteur de 20 millions d’euros".
Des négociations qui devraient durer une "dizaine de jours".
Le temps également de sortir du capital le cabinet BKC, dirigé par Louis Petiet, par ailleurs élu local UMP, désigné l'été dernier par le tribunal de commerce de Niort pour reprendre de l'équipementier et constructeur automobile de Cerizay (Deux-Sèvres).
M. Petiet s'est finalement avéré incapable d'apporter les 15 millions d'euros promis lors de la reprise, multipliant les promesses vaines et les déclarations contradictoires, avant d'être lâché par la Région Poitou-Charentes, présidée par Ségolène Royal (PS) et par Christian Estrosi (UMP).
"Le pacte d'actionnaires sera signé à condition que M. Petiet se soit retiré", a déclaré jeudi le ministre de l'Industrie, en marge d'une visite en Irak.
Les pouvoirs publics, très impliqués dans le dossier, étaient depuis plusieurs jours à la recherche d'un nouvel investisseur.
De son côté, Mme Royal avait d'abord évoqué un groupe mutualiste de Niort, en fait la Macif, qui a finalement renoncé à prendre une part au capital de l'entreprise de 600 salariés. C'est désormais au tour de son adversaire politique d'avancer une piste, jugée "sérieuse" par plusieurs sources proches du dossier.
Né en 1962 à Izmir, M. Manas, qui a réalisé une grande partie de sa carrière dans l'industrie, a fondé Brightwell en 2006, d'après le site internet du groupe. Il détient actuellement des participations dans une dizaine d'entreprises, du secteur énergétique aux technologies en passant par les moteurs de bateaux, mais pas dans l'automobile.
"Si tout se passe bien, l'entreprise sera bien dotée de 20 millions d'euros supplémentaires", a déclaré à l'AFP une source proche du dossier. Mais rien n'est encore fait.
"On reste prudents. Car nous avons connu notre lot de rebondissements", a déclaré Emile Bregeon, de la CFDT, syndicat majoritaire chez Heuliez. Pour Jean-Emmanuel Valade, délégué syndical CFE-CGC, il s'agit "d'une nouvelle encourageante, positive. Mais je reste également prudent".
D'abord parce qu'à l'issue de l'audit des comptes, Brightwell peut tout à fait décider de renoncer à investir dans Heuliez. Il lui faudra aussi rassembler l'argent nécessaire, lui qui, à l'instar de BKC, a pour principe de faire appel à d'autres partenaires.
Selon son site internet, ses investissements ont pour vocation à être "ensuite partagés par des investisseurs stratégiques et financiers".
Il faut aussi négocier la sortie de Louis Petiet, qui n'a jamais renié publiquement sa stratégie. Il pourrait soit céder ses actions à un prix symbolique, soit voir sa part diluée dans une augmentation de capital.
En cas d'accord, l'investisseur turc devrait trouver à ses côtés, comme actionnaires, la Région Poitou-Charentes, qui a déjà investi 5 millions d'euros, et le Fonds stratégique d'investissement (FSI), créé par l'Etat l'an passé pour prendre des participations dans une entreprise, et qui pourrait injecter 10 millions.