Malgré quelques grosses opérations récemment, la reprise se fait encore attendre sur le marché mondial des fusions-acquisitions, le contexte économique incertain encourageant l'attentisme des entreprises, prudentes à l'heure d'utiliser leurs liquidités.
Le nombre de fusions-acquisitions dans le monde a diminué au premier trimestre de 24% comparé aux trois mois précédents et de 26% sur un an, selon une étude publiée lundi par le cabinet Ernst & Young.
Le cabinet base son estimation sur les données de plusieurs organismes, qui ont recensé, selon les différentes méthodes de calcul, entre 774 et 1.263 transactions, pour un montant total entre 274 et 310 milliards de dollars.
Pour Rudy Cohen Scali, un des auteurs de l'étude, "l'incertitude du marché en fin d'année dernière a clairement eu un impact sur l'activité des transactions au premier trimestre".
Il relève toutefois que la valeur moyenne des opérations a augmenté, de 14% sur un trimestre à 296 millions de dollars, et "pourrait indiquer une amélioration de la confiance parmi les acheteurs qui, tout en étant toujours prudents, sont davantage désireux de réaliser de plus grosses transactions".
La seule méga-transaction prévue pour l'instant est la fusion du géant suisse des matières premières Glencore avec son compatriote Xstrata, dont le coût est évalué à 61,9 milliards de dollars.
Glencore a aussi fait la semaine dernière une offre de 6,1 milliards de dollars canadiens sur le canadien Viterra. La veille, le groupe américain de livraison de colis UPS annonçait le rachat de son rival néerlandais TNT Express pour 5,16 milliards d'euros. Un autre exemple notable est l'OPA hostile de 5,7 milliards de dollars lancée par le groupe pharmaceutique suisse Roche sur l'américain Illumina, qui se terminait vendredi.
"On est loin d'une grande vague", nuance Jean-Louis Mourier, économiste chez le courtier Aurel BGC, notant "une incertitude assez forte d'un point de vue global qui peut pousser à reporter des opérations par prudence."
"On se regarde beaucoup, mais beaucoup d'opérations ne se concrétisent pas", confirme Charles Bédier, responsable de l'activité conseil en fusions-acquisitions au cabinet Deloitte.
"Les acquéreurs renoncent souvent à cause de questions de prix, d'incertitudes sur le retour sur investissement, notamment si l'investissement entraîne un accroissement significatif de l'endettement net", explique-t-il. Il cite aussi "des incertitudes économiques qui augmentent la volatilité et le risque des opérations" et entraînent "un certain attentisme".
"Le manque de disponibilité au niveau de la dette bancaire est aussi un frein, mais davantage pour les fonds d'investissements", note-t-il.
Les grandes entreprises ont elles souvent amassé une trésorerie importante. Mais elles "n'ont pas envie d'utiliser leurs réserves financières tout de suite, elles se disent: je ne bougerai que s'il y a un véritable intérêt stratégique", souligne Charles Bédier.
Alors que certains spéculaient sur un investissement dans le site de microblogs Twitter, Apple a par exemple préféré reverser une partie de ses quelque 100 milliards de dollars de liquidités à ses actionnaires. Le groupe à la pomme assure conserver un "trésor de guerre" suffisant pour des acquisitions, mais les analystes jugent désormais moins probable un achat majeur.
Une reprise des fusions-acquisitions reste malgré tout possible.
"Les entreprises restent très à l'affût", assure Charles Bédier.
Jean-Louis Mourier cite pour sa part "des valorisations qui sont très faibles" dans certains secteurs, ainsi que "des logiques industrielles, notamment dans le secteur technologique, qui font qu'il peut y avoir des rapprochements".
Il voit du potentiel dans les biotechnologies, auxquelles s'intéressent beaucoup les groupes pharmaceutiques, et les banques, où la concentration pourrait se poursuivre.