Treize ans après les bombardements de l'Otan qui ont chassé les forces serbes du Kosovo, des anciens hauts responsables américains ayant soutenu l'indépendance de cette ex-province serbe font leur retour en tant qu'hommes d'affaires, au grand dam des Serbes qui crient au scandale.
Au Kosovo - qui a proclamé en 2008 son indépendant ce rejetée par la Serbie -, "l'opinion générale est qu'il faut avoir comme partenaires d'affaires des gens qu'on connaît et à qui on fait confiance", fait valoir l'analyste politique Ardian Arifaj.
Membres du gouvernement Bill Clinton, l'ex-général Wesley Clark, à la tête de la campagne militaire du printemps 1999, ainsi que Madeleine Albright, secrétaire d'Etat à l'époque, jouissent d'une telle confiance, au point que dans des villes du Kosovo, des rues portent leur nom, à l'image de M. Clinton qui dispose également d'une statue à Pristina.
Wesley Clark a demandé en juin à Pristina une licence pour exploiter en concession des ressources en charbon pour le compte de la société canadienne Endivity qu'il dirige.
Endivity demande aussi de pouvoir produire du carburant synthétique à partir du charbon et promet d'investir jusqu'à six milliards de dollars sur six ans, un montant mirobolant sachant que le budget du gouvernement pour 2013 est de 1,42 milliard d'euros.
Et puisqu'il n'y a pas de loi autorisant le gouvernement à octroyer une concession, les autorités ont fait preuve de célérité. "Un projet de loi a déjà été préparé et sera soumis prochainement au Parlement", a assuré à l'AFP une source officielle ayant requis l'anonymat.
Quant à elle, Mme Albright, à la tête d'Albright Capital Management, cherche, au sein d'un consortium, acquérir la compagnie de télécommunications (PTK), l'une des plus rentables du Kosovo.
Pristina compte obtenir 300 millions d'euros pour 75% des actions de la PTK, compagnie dont le bénéfice annuel est d'environ 40 millions d'euros.
Le résultat de l'appel d'offres sera annoncé prochainement, mais à en croire au quotidien local Zeri, le Premier ministre et ancien commandant de la guérilla indépendantiste Hashim Thaçi, serait confronté à un choix bien difficile. Car PTK est convoitée par une autre compagnie, qui bénéficie du lobby d'un ex-envoyé spécial de Bill Clinton dans les Balkans, James W. Pardew.
M. Thaçi n'a jamais démenti les informations du quotidien.
Tout en saluant la "contribution particulièrement importante" des Etats-Unis à la "création de l'Etat du Kosovo", le ministre du Développement Besim Beqaj, assure que Pristina "ne fait aucune faveur à qui que ce soit" dans les privatisations, un processus néanmoins constamment entaché d'accusations de corruption.
Les Serbes indignés
"Avec le retour de Madeleine Albright et Wesley Clark pour des intérêts économiques, on peut dire que +l'assassin revient toujours sur les lieux du crime+", a déclaré à l'AFP, Marko Jaksic, un des leaders nationalistes des Serbes du Kosovo.
A Belgrade, le porte-parole du gouvernement Miki Mihajlovic, a estimé que cette réalité "trahit leur hypocrisie et compromet (...) les Etats-Unis et leur image de leader dans le monde".
La campagne de l'Otan, qui visait à mettre un terme à la répression (1989-99) menée par les forces serbes au Kosovo, a fait environ 500 civils serbes tués, selon l'ONG Human Rights Watch, et provoqué des dégâts à l'infrastructure de la Serbie, estimés à 30 milliards de dollars par le régime alors au pouvoir à Belgrade.
Au Kosovo, d'autres compagnies américaines, pour lesquelles des anciens membres de l'administration Clinton ont fait du lobby, ont décroché des contrats, dont le groupe Bechtel, qui a signé en 2010 un contrat pour la construction d'une autoroute pour un montant estimé à 900 millions d'euros.
La Serbie dénonce le processus de privatisations au Kosovo, où plusieurs centaines d'entreprises ont été achetées par des compagnies étrangères depuis 2002, et a déjà fait savoir qu'elle allait contester la transaction concernant PTK devant la justice internationale.
"Les compagnies étrangères sont au courant des menaces de la Serbie et pour l'instant nous n'avons ressenti aucune hésitation de leur part à venir investir au Kosovo", a rétorqué depuis Pristina M. Beqaj.