L'OPA lancée sur le Club Méditerranée par le conglomérat chinois Fosun et Axa Private Equity s'embourbe et pourrait prendre plusieurs mois de retard, après la décision de l'AMF de suspendre pour un délai indéterminé la clôture de l'offre.
Le gendarme de la Bourse a annoncé mardi que l'offre, ouverte le 17 juillet et devant se clôturer le 30 août, était "prorogée jusqu’à nouvel avis".
Cette décision a été prise "dans l’attente de l'ordonnance du Premier président de la cour d'appel de Paris", qui doit examiner deux recours d'actionnaires minoritaires contre cette OPA déposés les 24 et 26 juillet. Les minoritaires estiment notamment le prix proposé insuffisant.
Une nouvelle information sera publiée ultérieurement pour faire connaître le nouveau calendrier, a ajouté l'AMF, sans plus de précisions.
Une source judiciaire avait indiqué fin juillet que l'examen du recours sur le fond ne serait sans doute pas effectué "avant la rentrée".
"Décaler le processus de 4 à 6 mois"
Me Julien Visconti, avocat du fond Charity & Investment Merger Arbitrage Fund (CIAM), qui a déposé le premier recours, avait lui estimé qu'un calendrier serait fixé le 19 août par la cour d'appel.
Selon lui, "ça risque de décaler le processus de 4 à 6 mois".
Cette décision de suspendre de la clôture de l'offre fait craindre pour le Club Med un scénario à la Silic-Icade, dont le projet de fusion a été retardé de plus d'un an, à la suite de plusieurs recours judiciaires.
Elle vient en tout cas sérieusement contrarier le calendrier des initiateurs de l'OPA et du management du groupe de tourisme, qui comptait sur cette offre pour se doter d'un actionnariat stable et ainsi pouvoir accélérer son internationalisation.
"Faire un recours aujourd'hui revient à prendre en otage, pendant plusieurs mois, tous les actionnaires de Club Méditerranée qui ne pourront plus bénéficier de la liquidité offerte par l'offre volontaire et attendue au 13 septembre" a récemment déclaré à l'AFP une source proche.
"Un tel blocage, c'est désolant, tant pour les actionnaires que pour l'entreprise", avait estimé une autre source au moment du dépôt du recours de CIAM, suivie deux jours plus tard d'un second recours porté par l'Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam).
Le PDG de Club Med, Henri Giscard d'Estaing avait expliqué que tout recours contre l'OPA "serait très préjudiciable", non seulement pour les actionnaires, mais aussi pour "la société, qui a justement besoin de stabilité".
M. Giscard d'Estaing avait en effet souligné que le secteur du tourisme "a sans aucun doute plusieurs années difficiles devant lui" et ne présente "aucun signe de reprise" en France.
D'où son souhait de quitter la Bourse pendant cinq ans, le temps nécessaire, dit-il "pour rééquilibrer notre modèle et le rendre plus résistant" face à la crise "très profonde" traversée par le secteur.
Engager "une nouvelle étape d'internationalisation de la marque cette fois, pour en faire un acteur mondial du tourisme, d'origine et de culture françaises" face à l'aggravation de la crise européenne, "ne pourra pas se faire sous la pression de court terme du marché", avait-il estimé.
L'OPA, annoncée fin mai par les deux principaux actionnaires de Club Med, Fosun et Axa Pe, avait reçu le 25 juin l'approbation à l'unanimité du conseil d'administration du groupe de tourisme.
Tous les actionnaires représentés au conseil - dont notamment la Caisse de dépôt de Gestion du Maroc, le fonds saoudien Rolaco et la Holding Edizione des rois italiens du textile Benetton - avaient décidé d'y apporter leurs titres.
L'AMF avait quant a elle donné son feu vert à l'offre le 16 juillet.
Mais cette OPA demeure contestée par plusieurs actionnaires minoritaires qui estiment que le prix proposé de 17,50 euros par action reste insuffisant malgré son relèvement fin juin et ne reflète pas la valeur véritable de la marque Club Med et des biens immobiliers du groupe.
L'Adam et la société d'assurances SMA Vie BTP avait déposé en 2012 des recours pour contester la validité de l'offre publique d'échange de la société immobilière Icade sur sa concurrente Silic.
Après plus d'un an de blocage judiciaire, la cour d'appel de Paris a confirmé fin juin la validité de l'offre. Un pourvoi en Cassation, non suspensif, a toutefois été déposé le 23 juillet dernier.