Le président élu François Hollande, qui entend faire son entrée sur la scène européenne autour du thème de la croissance, est rattrapé par la crise grecque avant même son investiture.
Le nouveau chef de l'Etat a entamé de premières consultations sans attendre sa prise de fonctions, prévue mardi 15 mai. Il a rencontré mercredi le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy puis, jeudi, celui de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
François Hollande a déclaré ensuite que ce dernier l'avait "éclairé sur la façon dont il jugeait la période et quelles informations il pouvait lui communiquer sur la crise grecque". Avec M. Juncker "nous avons évoqué l'avenir de l'Eurogroupe", a ajouté M. Hollande.
Les dirigeants européens avaient pris rendez-vous avec François Hollande pour mieux comprendre sa volonté de "renégocier" le traité de discipline budgétaire et d'y ajouter un "volet croissance". C'est dans ce même esprit que le socialiste doit se rendre à Berlin mardi pour un dîner de travail avec la chancelière Angela Merkel.
Le fait d'avoir rencontré MM. Van Rompuy et Juncker avant Mme Merkel n'est pas anodin. Pour François Hollande, "la relation franco-allemande est une relation première" mais il souhaite "voir les institutions européennes jouer tout leur rôle", a expliqué le responsable de la transition présidentielle Pierre Moscovici, excluant l'idée d'un "directoire" formé par Paris et Berlin.
Le président élu espère peut-être aussi trouver des alliés face à la chancelière allemande, hostile à toute réouverture des négociations sur le pacte budgétaire. "M. Juncker est un homme qui a pas mal d'écoute à l'égard des thèses de François Hollande et qui sait qu'il faut appuyer sur la croissance", a fait valoir jeudi Pierre Moscovici.
"Les débats ne portent pas pour l'instant sur la forme juridique que doit prendre l'initiative de croissance, l'important c'est son contenu, et sur ce front-là, les choses avancent bien", a affirmé à l'AFP un autre proche du président élu.
Mais le thème de la croissance, au menu du dîner informel de l'UE le 23 mai à Bruxelles puis du sommet des 28 et 29 juin, risque d'être occulté, une fois de plus, par l'urgence grecque. Organisées le même jour que le second tour de la présidentielle en France, les élections législatives en Grèce ont conduit dimanche à une impasse politique qui pousse plusieurs économistes à prévoir une faillite d'Athènes.
Comment François Hollande, dont la victoire a suscité beaucoup d'espoirs en Grèce, compte-t-il réagir? Est-il favorable à un assouplissement de la cure d'austérité imposée à la Grèce par l'UE et le Fonds monétaire international, ou plaide-t-il la fermeté quitte à voir Athènes abandonner l'euro? Pour l'instant, le futur président, qui n'est pas encore aux manettes, fait uniquement savoir qu'il se tient "informé de manière extrêmement précise".
"C'est au Grecs de trouver une solution politique, nous n'avons pas à leur dicter leur conduite", se borne-t-on à glisser dans son entourage.
Pendant sa campagne, le candidat Hollande avait jugé "tardifs et insuffisants" les plans de sauvetage conçus par les Européens sous l'impulsion d'Angela Merkel et du président Nicolas Sarkozy.
Il a aussi fait de la croissance une solution pour sortir le pays de l'ornière. "S'il n'y a pas de croissance, cela vaut pour la Grèce, cela vaut pour toute l'Europe, nous ne réduirons pas suffisamment nos déficits", estimait-il mi-février. Certains analystes jugent d'ailleurs que son "pacte de croissance", s'il est adopté par l'UE, pourrait aider les Grecs à avaler la pilule de la rigueur.
Quant à la crise dans le reste de la zone euro, ses solutions pour y mettre fin risquent aussi de déplaire à Berlin. François Hollande défendait encore dans un entretien publié au lendemain de son élection des euro-obligations pour mutualiser les dettes des Etats européens ainsi qu'un refinancement direct des pays auprès de la Banque centrale européenne. Deux hypothèses un temps caressées par Nicolas Sarkozy, qui avait dû reculer face au refus d'Angela Merkel.