La France a bien tourné la page de la récession, comme le confirment les chiffres de la croissance (+0,3%) et de l'emploi au troisième trimestre publiés vendredi, mais certains économistes jugent cette performance décevante, voire inquiétante pour l'économie.
L'Insee lui-même tablait sur une croissance de 0,5%, après la bonne surprise du trimestre précédent (+0,3% également) qui avait mis un terme à une année de reflux de l'activité.
"Je suis contente avec 0,3%" de hausse du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, a toutefois assuré à l'AFP la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.
"On réédite le même exploit qu'au deuxième trimestre. Ca me confirme dans l'idée que notre économie a vraiment pris le tournant de la reprise", a-t-elle ajouté.
"C'est décevant au regard du fort rebond de l'activité industrielle du troisième trimestre et ne présage pas d'un fort rythme d'entrée en 2010", tempère Cyril Blesson, analyste chez Seeds Finance.
"L'économie française paraissait capable de retrouver le chemin de la croissance forte dès le troisième trimestre. Il n'en est rien" et "il n'y a pas de quoi être fier" alors que le PIB allemand a augmenté parallèlement de 0,7%, renchérit l'économiste Marc Touati.
La croissance française est inférieure à la moyenne de la zone euro au troisième trimestre (+0,4%) et à peine meilleure que celle de l'Union européenne (+0,2%).
Un résultat d'autant plus timide qu'il s'appuie quasi exclusivement sur le rebond des exportations (+2,3%) et a donc été "soutenu par les plans de relance des autres pays", relève Nicolas Bouzou (Asterès).
Or "l'effet des plans de relance n'est pas durable", ajoute-t-il, s'inquiétant d'une demande intérieure "complètement atone".
La consommation des ménages, traditionnel moteur de la croissance, a stagné au troisième trimestre
tandis que l'investissement a continué à reculer (-0,7% pour les entreprises, -2,9% pour les ménages).
Tandis que les Français, touchés par la crise et le chômage, reconstituent leur épargne, "les chefs d'entreprises privilégient la préservation de leur trésorerie", confirme Alexander Law (Xerfi). "Cela retire de la croissance aujourd'hui, mais aussi et surtout, demain".
"Deux trimestres d'affilée positifs, c'est une tendance forte au redémarrage de l'économie", persiste Mme Lagarde, qui "espère qu'on finira l'année sur les chapeaux de roues" et table sur une croissance un peu supérieure à 0,3% au quatrième trimestre.
Sur l'ensemble de l'année, le PIB devrait quand même reculer de 2,25% à cause de la forte récession fin 2008 et début 2009.
La ministre voit également dans la "décélération du rythme des destructions d'emplois" un signe annonciateur" de reprise économique.
Selon le ministère de l'Emploi, les pertes nettes d'emplois salariés se sont en effet fortement atténuées au 3e trimestre (-5.500 postes) grâce notamment à un rebond dans l'intérim.
Pour pouvoir vraiment parler de sortie de crise, "il faut qu'il y ait des créations nettes d'emplois" et une croissance "relativement pérenne". "On n'y est pas encore", relativise Nicolas Bouzou.
Et pour que le chômage commence à refluer, il faut une croissance d'au moins 1,5%. C'est précisément ce qu'espère pouvoir atteindre désormais le Premier ministre François Fillon en 2010.
Mais Christine Lagarde, elle-même, se veut plus prudente: les derniers chiffres sont "bons, mais ça ne m'amène pas encore à réviser les perspectives" pour 2010. "Je reste sur 0,75%", la prévision inscrite dans le projet de budget.