L'économie allemande a fait un pied-de-nez à la récession qui touche plusieurs de ses partenaires européens et sauvé la mise à la zone euro toute entière en rebondissant de 0,5% au premier trimestre, bien plus que prévu, selon des chiffres préliminaires publiés mardi.
Les économistes s'attendaient à ce que la première économie européenne redresse timidement la tête, avec une hausse du Produit intérieur brut (PIB) de 0,1% après le recul de 0,2% enregistré fin 2011.
Au lieu de cela, "les chiffres ont pulvérisé les attentes", note Christian Schulz, économiste de Berenberg Bank. Et ce alors que la France faisait état le même jour d'une croissance nulle, que l'Italie annonçait un recul de 0,8% de son PIB et que la zone euro se maintenait tout juste à flot - largement grâce à l'Allemagne.
L'Office fédéral des statistiques allemand, Destatis, ne publiera le détail des chiffres que le 24 mai, mais a d'ores et déjà indiqué qu'export et consommation des ménages avaient tiré la croissance.
Machines-outils, voitures et produits chimiques allemands se sont vendus comme des petits pains à l'étranger, ainsi que le laissaient présager à la fois les statistiques du commerce extérieur et les résultats publiés ces dernières semaines par les grands noms de l'industrie, de Volkswagen à BASF en passant par Porsche.
"Heureuse surprise" en revanche pour Thomas Harjes de Barclays Capital, la bonne performance de la consommation privée, qui contraste avec des indicateurs mitigés mais découle directement d'un marché du travail au beau fixe et de salaires en hausse.
Exportations et emplettes des Allemands ont permis de compenser un recul des investissements des entreprises du pays, explique Destatis. Cette baisse est "la seule note discordante" mardi, pour Ferdinand Fichter de l'institut DIW, pour qui elle renvoie largement à la paralysie du secteur du BTP pendant un mois de février très froid.
Pour M. Harjes de Barclays toutefois elle "souligne que l'incertitude liée à la crise de la dette en zone euro a vraisemblablement un véritable impact négatif sur l'économie allemande".
Effectivement les déboires de la zone euro, qui se débat avec la crise de la dette et une économie chancelante, ne devraient pas laisser l'Allemagne indemne, elle dont 40% des exportations vont à ses 16 partenaires de la monnaie unique.
D'ailleurs le moral des investisseurs, sous le feu quotidien des mauvaises nouvelles en provenance de Grèce et d'ailleurs, en a pris un coup ces dernières semaines: le baromètre ZEW de mai, qui mesure leurs attentes économiques, a fortement baissé sur un mois, après cinq mois consécutifs de hausse, selon un chiffre publié mardi.
Mais pour M. Schulz de Berenberg, les vicissitudes en zone euro et leurs effets sur l'économie allemande font partie des inévitables "aléas de court terme" que va connaître le pays, embarqué malgré tout selon lui depuis 2010 dans une nouvelle "décennie d'or" économique.
En tout cas, les chiffres publiés mardi alimentent l'optimisme pour l'ensemble de 2012, faisant miroiter une croissance de l'ordre de 1% voire plus, supérieure au pronostic prudent du gouvernement (+0,7%) ou encore du Fonds monétaire international (+0,6%).
En rythme annuel, la croissance entre janvier et mars s'élève à 1,2% en données corrigées des variations saisonnières et calendaires.
"Une chose est sûre", pour Carsten Brzeski d'ING, "l'économie allemande reste la locomotive de la zone euro". Et selon lui, "tout scénario de rééquilibrage est encore très éloigné dans le futur".