Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a présenté mercredi en conseil des ministres la réforme bancaire et écarté les critiques qui présentent déjà ce texte comme insuffisant au regard des promesses faites en janvier par le candidat François Hollande.
Le projet de loi impose aux banques de loger leurs activités spéculatives dans une filiale ad hoc qui devra se financer largement seule, "pour protéger les dépôts des épargnants", a expliqué M. Moscovici lors d'une conférence de presse.
Le texte prévoit d'interdire les activités les plus spéculatives, comme le trading haute fréquence (ordres boursiers passés en rafale par des machines) et la spéculation sur les marchés agricoles (à l'aide de produits financiers dits dérivés).
Toujours avec l'idée de protéger les dépôts des épargnants et les intérêts des contribuables, la réforme bancaire renforcera les pouvoirs de contrôle et d'intervention du gendarme des banques, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).
En cas de défaillance d'un établissement, l'ACP, devenue l'ACPR (en y ajoutant le mot résolution), pourra notamment changer ses dirigeants, lui imposer de céder ses actifs, scinder ses activités voire mettre à contribution les actionnaires et certains créanciers.
Le projet de loi anticipe, pour l'essentiel, la conclusion de discussions qui sont actuellement menées au niveau européen, ce qui a amené M. Moscovici à le présenter comme "un texte précurseur", qui "place la France à l'avant-poste".
Les banques y voient "des contraintes et des charges supplémentaires à un moment inopportun" car elles sont actuellement engagées dans une lourde phase d'adptation au futur cadre réglementaire dit Bâle III, ont-elles mercredi indiqué par le biais de la Fédération bancaire française (FBF).
Elles ont également mis en avant le décalage que va produire ce texte entre la législation française et ce qui se pratique dans le reste du monde.
Pour autant, la réforme est jugée molle par l'ONG Finance Watch ainsi que par d'anciens banquiers, qui estiment qu'elle ne répond que très marginalement aux problèmes que pose la finance aujourd'hui.
Le gouvernement a notamment accusé une fin de non recevoir au projet, soutenu par beaucoup de ces critiques, de séparation pure et simple de la banque de détail et des activités de marché.
"Je ne voyais pas l'intérêt de créer des sortes de Goldman Sachs à la française", a fait valoir M. Moscovici, en référence à la banque d'affaires américaine, à la réputation sulfureuse.
Face aux sceptiques, M. Moscovici a défendu pied à pied ce texte, assurant qu'il était "totalement dans le respect de (l') engagement" pris par le candidat François Hollande, qui avait présenté la finance comme son "adversaire".
"Il n'y a pas eu de compromission, pas de reniement, pas de trahison", a martelé le ministre, assurant avoir "conçu cette réforme pour qu'elle change profondément le secteur".
M. Moscovici a, en outre, ouvert la voie à un renforcement du texte par le biais d'amendements lors du débat parlementaire qui devrait se tenir, selon lui, mi-février.
Il a notamment mentionné l'inclusion possible de dispositions relatives aux salaires des traders, à la lutte contre les paradis fiscaux et à la liste des activités interdites aux banques.
En l'état, le texte comporte également un volet social, qui renforce notamment le dispositif dit du droit au compte en cas de refus d'ouverture par une banque.
Le texte poursuit aussi dans le sillon creusé par la réforme Lagarde sur le crédit à la consommation, en permettant l'accélération du traitement de certains dossiers de surendettement compromis et en favorisant encore davantage la concurrence dans l'assurance des emprunteurs.