Le Mozambique s'est doté d'une nouvelle loi pour mettre fin aux conflits d'intérêts rongeant l'appareil d'Etat jusqu'au sommet, un texte qui doit prouver la volonté de Maputo d'en finir avec un degré de corruption faisant fuir les investisseurs.
Alors que les investisseurs et bailleurs de fonds étrangers sont de plus en plus insistants, le Frelimo (Front de libération du Mozambique) au pouvoir a accepté d'interdire aux membres du gouvernement le cumul d'un maroquin ministériel avec un salaire dans une entreprise publique ou parapublique.
Le futur "code d'éthique de la fonction publique" obligera aussi membres du gouvernement, élus, fonctionnaires, magistrats, policiers ou militaires à déclarer leur patrimoine, quelle que soit leur fonction.
Tous devront également faire une déclaration d'intérêts, autrement dit divulguer les secteurs sources de conflit d'intérêts pour eux-mêmes ou des membres de leur famille.
Mais la presse n'aura pas automatiquement accès à ces déclarations.
Voté vendredi en deuxième lecture, le texte doit en principe s'appliquer en septembre.
De nombreux élus ont traîné des pieds. Ils ont réclamé une augmentation de leur traitement, qui est estimé 80.000 meticals (2.000 euros) par mois pour 90 jours de session par an.
"L'exclusivité a un prix, elle implique une rémunération adéquate", a plaidé Teodoro Waty, un ténor du Frelimo, cité par le quotidien indépendant O Pais.
Le cas de M. Waty, qui siège au conseil d'administration de la compagnie aérienne publique LAM, est typique de ces élus que le futur code obligera à choisir entre leurs différentes fonctions.
Autre exemple: Margarida Talapa, membre du conseil d'administration de la compagnie de téléphonie publique Mcel et chef du groupe parlementaire du Frelimo.
Le Centre pour l'intégrité publique (CIP), une ONG locale qui craignait que le texte ne soit pas adopté avant 2014, a salué cette étape.
"Envoyer un signal clair"
La loi est la troisième d'un paquet de cinq textes anti-corruption alors que le pays voit débarquer de nombreux investisseurs, attirés par la découverte de gisements de gaz naturel, l'annonce de plusieurs méga-chantiers d'infrastructures et le boom de l'extraction charbonnière.
"C'est très important car, hors du Mozambique, les gens voient ceux qui sont au pouvoir s'enrichir parce qu'ils sont au Parlement. Ils sont dans trois ou quatre entreprises tout en acceptant l'argent de l'Etat, siègent au Parlement de la République et votent des lois favorisant leurs amis et leur famille. Ce n'est pas acceptable", a expliqué à l'AFP Baltazael Fael, chercheur auprès du CIP.
Selon le CIP, une dizaine d'influents élus du Frelimo doublent actuellement leur rémunération en empochant un salaire dans le secteur public ou parapublic.
Pour l'heure, le pays, sorti depuis 1992 d'une longue guerre civile, reste classé au 184e rang, sur 187, sur l'échelle de l'ONU mesurant le bien-être des populations.
Il pointe à la 120e place, sur 182, du classement 2011 du degré de perception de corruption établi par l'ONG Transparency International.
Et les bailleurs de fonds, qui contribuent pour plus de 30% au budget national alors que le pays regorge de ressources naturelles, s'impatientent.
Au début du mois, un groupe de 19 pays, dont la France, le Canada, et la Suède, a appelé le gouvernement à intensifier la lutte contre la corruption.
La condamnation pour corruption de deux ex-membres du gouvernements en 2010 et 2011 n'a pas convaincu les observateurs.
"Les investisseurs se tiennent à l'écart de l'Afrique qu'ils perçoivent comme politiquement instable et corrompue", souligne Michael Lalor, analyste chez Ernst and Young.
"Quand les investisseurs pensent au Mozambique, ils pensent encore à la guerre civile. D'où la nécessité d'avoir des mesures fortes contre la corruption, pour envoyer un signal clair".