Le gouvernement a décidé une nouvelle fois jeudi de limiter la baisse du taux du Livret A en le fixant à 1,25% au 1er août, alors qu'il aurait dû tomber à 0,25%, afin de ne pas pénaliser les épargnants.
Jusque-là de 1,75%, le nouveau taux du Livret A est le plus bas affiché depuis au moins 1986.
"J'ai décidé de fixer le taux du livret A à 1,25%, et non pas à 0,25% comme la formule (de calcul) le voudrait", a indiqué jeudi la ministre de l'Economie Christine Lagarde.
La ministre a suivi les recommandations du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, qui a invoqué des "circonstances exceptionnelles" à l'appui de cette nouvelle dérogation aux calculs théoriques, la 4e depuis un an et demi.
Si la formule d'ajustement automatique, instaurée en 2003 pour dépolitiser ce sujet très sensible, s'était appliquée, le taux aurait dû tomber à 0,25%, un plus bas historique.
En effet, le taux de rémunération du Livret A résulte d'une moyenne entre l'inflation et les taux d'intérêt Eonia et Euribor (taux auxquels les banques se prêtent de l'argent), deux indicateurs fortement orientés à la baisse. Les prix à la consommation ont ainsi reculé de 0,5% en juin sur un an, après -0,3% en mai tandis les taux d'intérêt refluent dans le sillage de la politique d'assouplissement monétaire conduite par la Banque centrale européenne.
"Descendre à 0,25% n'aurait pas été raisonnable (...) compte tenu de la nécessité de bien rémunérer l'épargne des Français par le biais du Livret A", a justifié Mme Lagarde.
Cette baisse va contribuer à "réduire de nouveau le coût des ressources finançant le logement social et les PME", a fait valoir de son côté M. Noyer.
Une partie des fonds du Livret A est transformée en prêts aux HLM, tandis que l'argent déposé sur les LDD (Livret de développement durable), dont le taux suit celui du Livret A, sert au financement des PME.
"Même avec un taux à 1,25%, les épargnants sont mieux rémunérés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a un an quand le taux était à 4%, car alors l'inflation s'élevait à 3,6%, contre -0,5% en juin", avance Cyril Blesson, directeur de la recherche du cabinet Seeds Finance.
Selon lui, on ne peut pas à la fois souhaiter que les taux baissent pour relancer le crédit et qu'ils restent élevés quand il s'agit de rémunérer l'épargne. In fine, la baisse de la rémunération de l'épargne réglementée va inciter les ménages à moins épargner et plus consommer, fait-il valoir.
Les baisses successives du taux du livret A -- passé de 4% en août 2008 à 2,5% en février puis 1,75% en avril -- ont en effet conduit à un net ralentissement des dépôts, et même à des retraits supérieurs aux dépôts.
Outre le coup de pouce éventuel à la consommation, difficile à mesurer, cette nouvelle baisse va surtout accélérer la réorientation de l'épargne des ménages vers des placements plus longs mais plus rémunérateurs et aussi sûrs que le Livret A, selon Caroline Mirgon du BIPE. L'économiste cite l’assurance vie en euros et les emprunts obligataires du type de celui d’EDF, qui a récolté trois fois plus qu'espéré par l'entreprise.
Ce mouvement récent de désaffection doit toutefois s'apprécier au regard de la popularité du Livret A qui a atteint des sommets en janvier quand toutes les banques ont pu commercialiser ce produit sur lequel les Caisses d'Epargne et la Banque Postale jouissaient d'un monopole de distribution.
Près de 8 millions de Livrets A ont été ouverts depuis le début de l'année, alors qu'environ 46 millions de livrets étaient déjà en circulation fin 2008.