A plus de 6 euros le paquet, le prix des cigarettes a peut-être franchi un seuil psychologique à l'origine d'une baisse des ventes: les buralistes voient leur activité se tasser mais les anti-tabac restent dubitatifs et dénoncent une manoeuvre du lobby du secteur.
Entre octobre et mars, les livraisons de cigarettes aux buralistes ont baissé de 3,5%, par rapport à la même période de 2010/2011, selon des chiffres d'Altadis Distribution France, qui livre la quasi totalité des marques aux 28.000 buralistes.
Dans le même temps, les ventes de tabac à rouler ou à tuber ont progressé de 6,9%.
Les professionnels y voient un effet de la hausse des prix d'octobre 2011. Tous les paquets ont augmenté de 30 centimes, portant le moins cher à 5,70 euros et le plus cher à 6,20 euros.
Certes, les paquets de tabac ont également augmenté mais permettent encore de fumer beaucoup moins cher qu'avec des cigarettes.
Sans exclure d'autres causes au ralentissement des ventes, Denis Fichot, porte-parole de Japan Tobacco International, note que hausse des prix et baisse des ventes ont été "concomitantes", et que cette fois "le marché ne remonte pas".
Yves Trévilly, de British American Tobacco, ne veut pas qu'on se trompe et qu'on associe baisse des ventes et baisse de la consommation. Pour lui, la baisse des achats en France se fait au profit des pays limitrophes.
"Les prix en France sont jusqu'à deux fois plus chers qu'en Espagne ou au Luxembourg", assure-t-il.
Une étude des Douanes publiée en septembre a montré que 20% des cigarettes fumées en France n'avaient pas été achetées dans l'Hexagone, échappant ainsi aux taxes. Le manque à gagner représente plusieurs milliards d'euros pour l'Etat qui a encaissé 13,6 milliards d'euros en 2011 (taxe + TVA).
"On sent un tassement des ventes", confirme le patron des buralistes Pascal Montredon. "Mais surtout, nos clients commencent à nous expliquer qu'ils ont +trouvé d'autres solutions pour acheter du tabac moins cher+", ajoute-t-il.
Dans les départements limitrophes d'ailleurs, les ventes chutent: -9,8% près de la Belgique, -8,1% près du Luxembourg.
De leur côté, les anti-tabac dénoncent le lobbying de l'industrie du tabac.
"Les ventes de tabac ne baissent pas": celles des cigarettes sont stables et celles de tabac à rouler progressent, explique l'Office français de prévention du tabagisme (OFT), critiquant au passage Nicolas Sarkozy.
Le président de la République sortant est considéré comme "un soutien" de l'industrie du tabac par les associations de lutte contre le tabagisme notamment parce qu'il a limité les augmentations de prix à 6%, exactement ce que demandaient les industriels alors que les anti-tabac voulaient 10%.
La preuve, selon elles: les hausses de prix de 2009 et 2010 n'ont pas permis de faire baisser le nombre de paquets vendus, mais elles ont procuré des recettes supplémentaires à l'Etat (qui perçoit 80% du prix du paquet), aux buralistes (environ 8,5%) et aux cigarettiers (environ 11,5%).
"Pas d'enthousiasme" non plus du côté du Pr Yves Martinet, président de l'Alliance contre le tabac qui rappelle que les études sanitaires montrent une augmentation du taux d'adultes fumant quotidiennement, passé de 27,3% à 29,1% entre 2005 et 2010.
Plus de 60.000 personnes meurent du tabac chaque année en France et le Pr Martinet voit dans les annonces d'une baisse des ventes une "manoeuvre de l'industrie du tabac" pour montrer "à point nommé" en pleine présidentielle que la politique de Nicolas Sarkozy a porté ses fruits, ce qu'il conteste.