L'énorme intérêt suscité par l'entrée en Bourse de Facebook a permis au réseau social sur internet de relever mardi la fourchette de prix qu'il va réclamer pour ses actions, portant sa valorisation potentielle au-delà des 100 milliards de dollars.
Alors qu'au début du mois la société californienne avait indiqué qu'elle demanderait entre 28 et 35 dollars pour chacune des quelque 337 millions d'actions mises en vente, mardi cette fourchette est passée à 34-38 dollars.
Si, ce qui ne semble faire de doute pour personne, il y a suffisamment d'acheteurs pour acquérir environ 50 millions d'actions supplémentaires avant les premiers échanges publics prévus vendredi, l'opération pourrait représenter jusqu'à 14,74 milliards de dollars. Ce serait ainsi l'une des plus grosses entrées en Bourse de tous les temps aux Etats-Unis et la plus grosse pour une société d'internet.
Facebook serait valorisé entre 85 et 104 milliards de dollars, une fois prises en compte toutes les options d'achat d'actions (stock options).
"Nous avions totalement prévu qu'ils relèveraient" leur prix, note Jim Krapfel, analyste au cabinet de recherche Morningstar.
Michael Pachter, analyste chez Wedbush, estime déjà que le prix final de l'entrée en Bourse sera fixé encore plus haut, à 40 dollars. "Tout cela n'est qu'une comédie" destinée à entretenir l'agitation médiatique, selon lui. Il note que dans les derniers échanges sur les marchés privés, l'action Facebook s'échangeait à 45 dollars.
Comme tous ses confrères, il prévoit que le prix de l'action, qui bénéficiera du jeu mécanique de l'offre à la demande, avec une énorme foule d'acheteurs, fera encore un bond dans les premières cotations, ce qui alimentera encore le "buzz".
A moyen terme, les analystes sont plus partagés: d'après eux Facebook fera bien mieux que Groupon, qui a perdu 34% de sa valeur depuis son entrée en Bourse en novembre, mais moins bien que le réseau social professionnel LinkedIn, dont l'action a bondi de 150% en un an.
M. Pachter a un cours cible de 44 dollars.
A la banque d'affaires Bryan Garnier, la directrice associée Virginie Lazès "ne croit pas que l'action va flamber". A l'horizon d'un an, elle table sur une progression modérée d'environ +5 à +10%, vu les "hoquets" à prévoir.
Ces derniers mois Facebook a déjà dû convenir que la croissance de son chiffre d'affaires avait ralenti, qu'il peinait à générer des revenus avec la consultation croissante du site sur les appareils portables, et que l'acquisition de la startup de photos Instagram, annoncée le mois dernier, pourrait être retardée.
"Il y aura encore des hauts et des bas, mais qui ne peuvent être que des épiphénomènes", estime Mme Lazès, convaincue de la marge de progression du groupe.
Au cabinet Morningstar, les analystes ont calculé que la valeur réelle de l'action était de 32 dollars. Vu le bond à prévoir, ils ne conseillent pas l'achat: "nous prévoyons que l'action va être grossièrement surévaluée".
En tout état de cause, nul ne conteste le talent de la direction de Facebook pour mener cette opération.
L'entreprise fondée il y a 8 ans par Mark Zuckerberg, 28 ans, devrait lever pour son propre compte jusqu'à 6,7 milliards de dollars (le solde revenant à des actionnaires existants).
Mais vu que l'entreprise n'est guère à court de liquidités --elle avait 4 milliards de dollars dans ses coffres fin mars-- cette opération "magistrale" est surtout remarquable par le fait "qu'elle sert le destin de Facebook" note Mme Lazès: "cela accrédite le fait que (Facebook) est incontournable" dans l'ensemble du secteur internet, ce qui rejaillit sur l'ensemble de "l'écosystème" Facebook.
Les actionnaires de Zynga en bénéficient ainsi à plein: l'action de l'éditeur de jeux, qui réalise la plus grande partie de son chiffre d'affaires sur Facebook, bondissait de 7,31% mardi à la mi-journée, après déjà 6,28% de hausse la veille.