Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a brisé un tabou en reconnaissant mercredi que l'avenir du Rafale dépendait des seules commandes françaises, Dassault n'étant à ce jour jamais parvenu à l'exporter.
Interrogé lors de "Questions d'Info" LCP/France Info/Le Monde/AFP, M. Longuet a déclaré que "si Dassault ne vend pas son appareil à l'étranger, la chaîne sera arrêtée et les appareils seront naturellement entretenus".
L'arrêt de la production ne serait décidé qu'une fois que l'armée française aurait eu livraison de tous les appareils commandés.
"En tout état de cause, la production destinée à l'Armée française ne s'arrêtera pas avant l'horizon de 2030", a précisé le ministre à l'AFP. "Les livraisons aux armées se poursuivront, très substantiellement, au delà de 2020. Parallèlement, l'avion fera l'objet d'évolutions entre 2020 et 2030", a-t-il dit.
Jamais, un ministre de la Défense n'a énoncé aussi clairement les éléments du dossier Rafale, ses précédesseurs se montrant peu loquaces sur les efforts consentis par l'Etat, comme une anticipation de commandes, pour maintenir la chaîne de production de l'appareil.
Le Rafale, qui équipe l'aviation française depuis 1998, n'a encore jamais été vendu à l'exportation. Fin 2010, le ministère de la Défense avait décidé d'acheter onze appareils supplémentaires d'ici 2013, par rapport à ce qui était prévu, pour faire tourner les chaînes de montage.
"Le message est clair : Dassault ne construit pas des Rafale pour les stocker. S'il n'y a pas d'export, les chaînes se limiteront aux commandes françaises, soit à ce jour 200 appareils", au-delà de la centaine déjà livrés, a souligné auprès de l'AFP¨une source gouvernementale.
Dassault est engagé dans des négociations difficiles pour tenter de vendre le Rafale au Brésil (36 appareils), à l'Inde (126) ou aux Emirats arabes unis (60).
Le coût de l'appareil, qui a été utilisé avec succès par l'armée française cette année durant les opérations en Libye contre les forces du colonel Kadhafi, est le principal obstacle à l'exportation. Fin novembre, la Suisse a ainsi opté pour le Gripen NG du Suédois Saab pour des raisons économiques.
Outre le Gripen NG, le Rafale est notamment en concurrence à l'international avec le Super Hornet de l'américain Boeing (Brésil) et l'Eurofighter du consortium européen EADS (Inde).
Pour "un appareil quel qu'il soit, l'achat représente un tiers et la vie représente les deux tiers. Donc pour l'industrie aéronautique et pour les responsabilités de l'armée de l'air, il faut savoir que pour un Rafale, sur sa durée de vie d'une quarantaine d'années, on paiera deux fois le prix. Donc, l'industrie sera servie", a souligné M. Longuet.
Selon Dassault Aviation, le ministère de la Défense a passé commandes fermes pour 180 Rafale. Le 100e appareil lui a été livré en juillet.
Le Rafale est toutefois appelé à remplacer sept types d'avions des armées françaises et le Livre blanc de la défense de 2008 prévoit à terme la livraison de 286 appareils aux armées.
"Au rythme de 11 par an, cela fait encore sept ans de production pour la commande ferme. Or, la cible totale est 286 avions. Donc il y a encore 17 ans de production", a souligné Olivier Zajec, directeur adjoint du cabinet de conseil en stratégie CEIS, interrogé par l'AFP. Selon lui, il est exclu que l'armée de l'air française réduise sa "cible" et achète un autre type d'avion de combat.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles Dassault ne parvient pas à exporter le Rafale, M. Longuet a souligné que cet appareil était "plus cher que l'avion américain" qui est "amorti sur des séries beaucoup plus longues".
"En revanche, pour les missions de haute gamme à forte valeur militaire, le Rafale est incontestablement bien placé", a-t-il souligné.