De New York à Paris, les marchés financiers restent sur des charbons ardents, après une folle semaine qui s'est terminée dans une relative accalmie, mais la crise de confiance mondiale s'est aggravée sur fond de craintes persistantes sur la croissance.
"On a fini la semaine là où on l'a commencée: les incertitudes sur la solidité de la zone euro et l'économie américaine sont toujours là. Rien n'a changé", explique Henry Blodget, analyste au site spécialisé The Business Insider.
Après avoir frôlé le krach, la plupart des places financières ont limité la casse sur la semaine. A New York, l'indice vedette, le Dow Jones, a seulement perdu 1,53%, Paris 1,97%, Milan 0,87% et Madrid 0,28%. La baisse a été plus nette à Tokyo (-3,61%) et surtout à Francfort (-6,5%), alors que Londres a surnagé (+1,39%).
"On n'est clairement pas sorti du bois", résume Waldemar Brun-Theremin, gérant chez Turgot Asset Management.
"Les investisseurs ont encore en mémoire la crise de 2008 et leur argent parti en fumée, donc ils vendent d'abord et se posent des questions après", souligne François Duhen de CM CIC. "La peur a pris le dessus et va continuer de dominer", ajoute-t-il.
La semaine avait débuté par un coup de tonnerre après la dégradation historique par l'agence de notation Standard & Poor's de la note de crédit des Etats-Unis, soulevant un doute sur la capacité du pays à rembourser sa dette. Mercredi, un vent de panique avait ensuite balayé les places boursières après des rumeurs spéculatives visant la solvabilité de la France et la santé des banques françaises avant deux séances de rebond.
Les investisseurs craignent qu'une crise du secteur financier européen s'exporte aux Etats-Unis car les banques occidentales sont interconnectées entre elles.
La banque française Société Générale, sur laquelle ont couru des rumeurs de faillite, joue un rôle de premier plan dans le marché des dérivés des actions, produits financiers permettant aux établissements financiers des pays développés de se protéger des chutes des Bourses, selon le New York Times. En conséquence, son effondrement déstabiliserait l'ensemble du système financier mondial.
"Nous sommes au début d'une tempête nouvelle et différente, ce n'est pas la même crise qu'en 2008", a jugé samedi le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.
Avec la Grèce et le Portugal assommés par leur dette et d'autres pays menacés, et sans possibilité de dévaluation, c'est en effet non seulement l'économie de la zone euro qui est menacée, mais l'existence même de la monnaie européenne, indique M. Zoellick.
Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se rencontrent mardi à Paris pour évoquer la gouvernance économique en zone euro.
Les investisseurs attendent du couple franco-allemand, pilier de l'Union monétaire, des mesures concrètes pour éviter que la crise de la dette publique en zone euro ne s'étende à de grands pays comme l'Italie et l'Espagne.
Le gouvernement italien a adopté vendredi soir un nouveau plan de rigueur chiffré à 45 milliards d'euros sur deux ans par Silvio Berlusconi, pour revenir à l'équilibre dès 2013 au lieu de 2014 et stopper les pressions spéculatives des marchés. Pour la première fois, le chef du gouvernement a accepté d'alourdir la pression fiscale avec une "taxe de solidarité" sur les revenus les plus élevés.
Sur l'autre rive de l'Atlantique, le président américain Barack Obama a reconnu samedi que son pays faisait face à "des défis économiques très durs": "la réponse de Washington a été récemment la division partisane et les blocages qui n'ont fait que miner la confiance du public et gêner nos efforts en faveur de la croissance économique", a-t-il déclaré.
Pour nombre d'analystes, l'instabilité des marchés financiers s'explique par le fait qu'ils ont perdu confiance en la capacité des responsables politiques de l'Occident à ramener de l'ordre dans leurs économies malades.
"Ce qui se passe actuellement est une crise de gouvernement", dénonce l'analyste Joe Weisenthal, déplorant les tensions et les divergences entre dirigeants européens et l'absence de consensus politique aux Etats-Unis.
"La panique et les soubresauts des marchés illustrent la fragilité de la confiance des investisseurs dans le monde occidental", fustige samedi l'agence chinoise Chine nouvelle. Pekin est le premier créancier étranger des Etats-Unis.
Les banques centrales, la BCE en Europe et la Réserve fédérale aux Etats-Unis (Fed), sont pourtant sorties de leur rôle classique en prenant des mesures exceptionnelles comme des rachats de titres de dette publique pour la première et de nouvelles mesures de relance pour la seconde.
Seul hic, "les marchés ont pris conscience que si la situation empire, ils ne doivent plus compter sur les gouvernements", confie Joe Weisenthal.
Cependant, pour freiner les ravages des rumeurs, les autorités boursières de France, Italie, Espagne et Belgique ont décidé d'interdire temporairement la pratique spéculative des ventes à découvert sur les valeurs financières.
L'Allemagne réclame en outre des mesures à l'échelle européenne, mais Londres lui a opposé une fin de non-recevoir car l'activité de la City, première place financière d'Europe, serait lourdement pénalisée par une telle interdiction.
"En 2008, cette interdiction s'est mal passée, surtout aux Etats-Unis où les titres financiers ont chuté. Pour qu'on en arrive là, c'est qu'il y a un vrai malaise", rappelle Waldemar Brun-Theremin.
Signe de cette crise de confiance, 50 milliards de dollars ont été transférés cette semaine des Bourses vers des actifs considérés plus sûrs, selon le Financial Times, soit plus que pendant la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008.
Le prix de l'or, traditionnelle valeur refuge en cas de crise, a dépassé pour la première fois les 1.800 dollars l'once cette semaine.